Dimanche vers une heure .
Après un vol interminable, nous arrivons enfin à
Tamanrasset, un peu cassés par quatre heures de voyage, avec un stop aux canaries ?...ah non, aux baléares, pour
compléter le plein de kérosène ! C'est le charme des compagnies charter.
Les formalités de douane et de police sont en fin de compte
assez rapides, et nous nous retrouvons vers la sortie
de l'aérogare.
Un homme mince, très courtois, à la fine moustache
et habillé d'une longue djellabah ocre, nous attend.
C'est le patron de l'agence "club aventures africaines"
(tout un programme...).
Il nous conduit à nos véhicules: ce sont des Toyota
"station wagon" hors d'âge, dont les chauffeurs
chargent prestement les bagages.
Je grimpe dans le 4x4 du plus
vieux : djellaba bleue (boubou ?) et chèche blanc sur
la tête, le "journaliste" qui s'est joint à
notre groupe monte devant (j'apprendrais qu'il s'appelle olivier
k., c'est un ancien du dakar !).
Je demande au chauffeur comment dit-on "allons-y" en
Tamachek (la langue des touaregs); il a du mal à me comprendre,
puis me réponds "yalla" - c'est de l'Arabe :
on verra plus tard pour la linguistique !
On se dirige vers tam', le "chibani" conduit TRES prudemment:
Il a raison, son véhicule louvoie et occupe deux fois
sa largeur sur la route : je ne suis pas pas rassuré...
; j'ai déjà conduit des hj 60 à ponts rigides et suspensions à ressorts
à lame, comme celui-ci, il est vrai que ce n'est
pas génial en tenue de route, mais là...
Juste avant d'entrer en ville, nous prenons une piste à
gauche, en direction de "pains de sucre" au nord. Il
fait très chaud, et l'air est sec, c'est bon de se retrouver
ici...
Après un petit quart d'heure de roulage, nous arrivons au camp de base.
Les motos sont sagement alignées sous le soleil: dix 250
TTR toutes bleues, juste différenciées par leur
plaque à numéro, et trois quads.
Un peu plus loin,
on aperçoit deux 4x4 et un camion, et sous un grand acacia une "nappe"
avec des matelas de mousse tout autour.
Quelques personnes qui s'affairent ou se lèvent à
notre arrivée: c'est l'équipe d'accompagnateurs algériens.
Ils seront avec nous tout au long du voyage; deux sont souvent en Europe ou ailleurs, et nous accompagneront sur des quads, les autres seront
affectés à la cuisine, la mécanique et la
conduite des véhicules.
Agréable surprise après le voyage en avion, ils ont pensé à nous
et nous servent un déjeuner à base de crudités
: bien sympathique tout ça.
Quand les ventres sont rassasiés, nous pouvons enfin revêtir nos "habits de lumière" !
Le moment est venu de toucher nos
motos : chacun choisit sa monture pour 7 jours !
Les premières impressions avec les yamaha 250 TTR sont
mitigées: ça ratatouille, ça gigote, l'adhérence
des pneus est bizarre (nous verront qu'ils sont montés en "bib mousses"),
bref tout le monde est prudent.
Nous rejoignons la route de l'aérodrome. Puis c'est la
traversée de Tamanrasset, et on se retrouve rapidement
sur la route du sud, et enfin sur des pistes.
Les kilomètres s'enchaînent, nous atteignons un
plateau crevassé constellé de blocs de roches
et de collines ; de temps en temps c'est la traversée
d'un oued sablonneux où poussent des acacias, ou d'une étendue
plate.
Malgré les consignes, les motos sont rapidement devant le 4x4 de tête,
mais chacun vérifie de temps à autre s'il prend
la bonne piste. Il faut parfois revenir en arrière pour
s'apercevoir que c'était de l'autre côté
!
Ce passage rappelle un peu le Maroc : pistes étroites
et sinueuses, sol dur, présence de saignées parfois
dangereuses, cailloux en tous genres.
A un moment, nous longeons un vrai village, avec des maisons
en banco.
Finalement, après une soixantaine de kilomètres,
nous arrivons dans un oued large et plat, parsemé de gros
acacias.
Au nord, c'est la montagne tabulaire du Debnât. Au sud,
c'est le Tendjîr, pic aigu. Un peu plus loin au sud-est,
c'est l'Arregâne : nous y passons demain.
C'est l'endroit
que le guide choisit pour établir notre premier bivouac.
Kako, notre guide en quad, nous autorise à aller "jouer"
aux alentours ! Je vois Bruno partir à l'attaque d'une
colline proche; attentionné, je le
rejoins « pour ne pas
le laisser seul »...« Yeah, à nous la petite séance de « trial »! »
Nous progressons parmi de gros blocs, escaladons des marches,
pour parvenir sur un joli sommet avec vue sur les alentours :
nous apercevons le deuxième 4x4 qui arrive puis le camion
avec nos affaires.
Progressivement tout le monde est arrivé, et chacun prend
ses quartiers: les Mâconnais se regroupent frileusement
dans les épines sous l'acacia, les Cévenols s'éparpillent
un peu plus loin.
Didier, qui craint les ronflements nocturnes des grands primates,
s'installe carrément cinquante mètres plus loin.
Quant à moi, je transige entre les deux: j'ai des bouchons
d'oreilles !
De toute façon nous sommes équipés comme
de vieux voyageurs sahariens: nous avons nos propres duvets,
matelas, bouchons d'oreilles, coussin pour la tête, etc...
de vrais maniaques!
Il s'avère que l'organisation fournit bien des matelas-mousse
et des couvertures, ça n'en sera que plus confortable.
La soirée se passe en bavardages, nous faisons mieux connaissance
avec nos guides; plus loin les Touaregs de l'équipe font
un petit feu pour la préparation du sacro-saint thé
vert.
Première nuit à la belle étoile pour tout
le monde: pour certains c'est une première!
À l'apparition du soleil, nous sortons les uns après
les autres de nos duvets et le petit déjeuner est servi
: café, lait, tartines, beurre (eh oui ! bravo aux cuisiniers)
, et confiture. Il ne manque que du thé rouge et un peu
d'eau chaude. Ce sera rapidement corrigé, il y a trois
ou quatre amateurs chaque matin!
Puis c'est la cérémonie quotidienne du rangement
de ses petites affaires que l'on amène au cul du camion,
prêtes à être chargées.
Aujourd'hui, départ à neuf heures: on fera mieux
demain! C'est la mise en jambes.
Nous passons
près du djebel Eregnêne, montagne de forme pointue.
Nous progressons maintenant dans une succession d'oueds, passant
d'un affluent à l'autre.
La végétation est assez abondante par ici. Acacias,
thallas, et toute une flore que je ne connais pas parsèment
ces oueds ; autour, ce ne sont que rochers et "caillasse".
A une halte, je grimpe sur une éminence: c'est une de
ces tombes pré-islamiques
de type "dallage
circulaire" (au moins 20 m de diamètre, avec
une pierre dressée au centre).
Dans l'oued Igharghar
("le fleuve" en Tamachek), Richard trouve même
de l'eau: il creuse des cercles avec son TTR et finit par trouver
la boue!
Le rythme s'est accéléré, c'est assez dangereux
: et il y a pourtant des saignées, des pierres cachées
sous d'épaisses croûtes de boue... Mais c'est le
seul moyen d'avancer : le sol est mou.
A un moment, Sammy a poursuivi de très près des
gazelles : ils sont deux ou trois à les avoir vues. Probablement
des gazelles dorcas.
Nous progressons dans une succession de grandes plaines, qui sont en
réalité
le fond d'oueds très larges.
De temps en temps, un arrêt
pour compléter les pleins : certains sont vite sur la
réserve !
Nous abandonnons
l'Igharghar pour passer dans l'oued el guessour; enfin, nous
pénétrons dans un grand massif gréseux par
un canyon.
Nous nous arrêtons pour aller voir des peintures rupestres sous une magnifique voûte (ce sont des animaux témoins d'une ancienne savane), et des caractères tifinar (berbères).
Un peu plus loin, nous allons voir une guelta : l'eau est verte,
souillée par les crottes de chameaux. Didier et François grimpent
au-dessus et y trouvent de l'eau propre.
Sur les parois latérales, encore quelques gravures et
des caractères tifinar.
Didier et Christian taquinent un beau lézard à
tête rouge : probablement un Agame des colons (Agama agama,
ou "margouillat"), qui s'enfuit rapidement.
Kako nous prévient que nous pénétrons dans
une zone sensible, où il faudra se suivre sans batifoler
: tâche ingrate pour lui, le motard est joueur est indiscipliné
!
Nous arrivons
au milieu d'un immense chaos de blocs stratifiés de grès
rouge d'une hauteur d'environ 60 mètres. Le fond est occupé
par de belles dunes blondes...
Les nomades appellent cet endroit "les châteaux"
: les ksours en tamachek, et tout s'éclaire : dans le
monde berbère maghrébin, les ksours sont des villages
fortifiés ! Et l'oued « el guessour » n'en est qu'une déformation...
Malgré la chaleur qui règne sous le soleil, l'ombre
des ksours nous procure une sensation de fraîcheur : c'est
là que nous faisons halte pour le déjeuner et la
sieste, tradition obligée des voyages sahariens.
Chacun se ménage
un petit coin confortable après le repas. Quelques-uns
vont aider Kako et Sammy à bricoler une machine qui donne
des soucis de carburation à son utilisateur. Un jeune
mécano de l'équipe targuie vient mettre la main
à la pâte.
Dans l'après-midi, nous
ressortons du canyon et poursuivons vers le sud-sud-ouest.
C'est très roulant, à tel point qu'à un
moment je ne sais plus qui a l'idée de faire un départ
en ligne! Main sur le casque, on attend le signal: Hervé
part comme un boulet, je n'ai même pas eu le temps de tricher! Mais je le rejoins au bout d'un bon kilomètre, ma moto
ayant plus d'allonge (environ 1,2 km/h de mieux! ). Je finis
par rendre la main: bien m'en prend, car des cassures arrivent.
Au loin vers l'est apparaît une chaîne de rochers
bordés de dunes. Un groupe s'y dirige, attiré par
des arches et des pitons; mais Moulay arrive et pique vers le
sud: on le suit. On s'approche de la chaîne rocheuse:
sur les flancs, une magnifique tombe circulaire (tombe préislamique,
d'une cinquantaine de mètres de diamètre, visible
intentionnellement de très loin), jusqu'à une passe
qui permet de pénétrer dans un cirque de roches gréseuses
à la patine de cuir d'éléphant!
Elles sont
ourlées de sable jusqu'à une hauteur de 80 mètres
qu'il nous est interdit de gravir à moto pour cause de
préservation esthétique: certains s'y risqueront
à pied!
C'est Tin Akasaker.
A l'entrée, le camion se plante: il est obligé de passer en 4 roues motrices pour passer! Christian et moi assistons, éberlués, à une drôle de manSuvre: un des chauffeurs récupère le demi-arbre avant dans la cabine, puis le remonte sur ses platines. Le passage ensablé (d'à peine 50 mètres !) est franchi: l'européen a une montre et l'africain a le temps !
L'endroit est magnifique, mais je souffre d'une diarrhée abominable qui m'empêche de savourer pleinement tout ça : écuré et fébrile, je vais me coucher sans manger.
Le lendemain, il est prévu d'aller jouer dans les dunes
derrière la barrière rocheuse, vers l'est. Tout le
monde y va: pour certains, c'est un baptême du sable: il
y a un petit erg avec quelques sifs et des pitons plantés
ça et là, assaillis par des dunes, c'est très
beau! Mais je ne peux en profiter, le moindre effort m'épuise
; nous faisons quelques
photos avec Olivier, le journaliste belge " free-lance "
qui nous a rejoint au denier moment: il fait une pige pour le
mensuel "quad passion" !
Didier et François
rivalisent avec Sammy et Kako pour le concours du plus haut grimpeur
: les quads font merveille dans le sable, mais les motos sont
moins lourdes et plus agiles: l'honneur est à peu près
sauf !
Ou sont passés les autres? Christian nous a rejoints,
mais "la bande des Mâconnais" est partie vers
l'est: nous partons les chercher quand on nous dit que Jean-Pierre
s'est cassé la clavicule. Aïe! Les ennuis continuent
On contourne un grand piton, à l'assaut d'une crête
de sable où se trouve tout le groupe; j-p est assis sur
le sable, la mine déconfite: la balade est finie pour
lui; Christian confirme le diagnostic, il lui faudra poursuivre
à pied et sans eau... euh non, en 4x4 ça suffira!
On s'arrange
pour le rapatrier en quad (très pratique, pour le coup
!), et sa moto également : Taïeb en profitera pour
se "gaufrer" une ou deux fois avec, alors qu'il la
squattait en douce ! Que des qualités ce garçon...
Il fait TRÈS chaud et nous faisons une longue halte à l'abri de la roche. Cette fois je suis KO: nausées, une soif inextinguible
et de la fièvre; je me prépare vite fait une boisson
ré-hydratante formule OMS, sous les yeux éberlués
des cuisiniers: sucre sel et eau (6 cuillères à café rases de sucre + ½ cuillère à café de sel dans un litre d'eau potable). C'est dégueulasse et
je masque bien le tout avec un bon coup de thé vert, mais c'est
autant de liquide que mon corps retiendra...
Des nomades viennent nous saluer en passant avec leurs chameaux
: ils viennent du Niger pour pâturer ici ! courageux ces
Hommes...
Je décide de poursuivre dans le 4x4 ; ma moto rejoint
celle de J-P dans l'Ivéco, et je vais lui tenir compagnie
dans le toy' tout l'après-midi.
Ça me changera, d'autant que nous roulons souplement, la plupart
du temps dans des oueds: Moulay nous ménage! Ca ne l'empêche
pas de prendre une saignées un peu trop fort et de rompre
une des lammes de suspension.
Ce n'est pas ça qui peut
émouvoir l'équipe targuie, qui se met à
réparer tranquillement, et sur le champ, la lame cassée!
J-P et moi soufrons, pour des raisons différentes, mais
le moral se maintient: il faut juste s'accrocher!
Nous traversons le Tin Tezedjnet (oueds, sable et rochers), puis
retrouvons l'immense Igharghar, toujours en direction du sud-sud-ouest.
On le quitte à nouveau pour pénétrer dans
le Sebent.
Puis on file plein sud vers les rochers de Ti'm Meguerouren,
en retraversant l'Igharghar, omniprésent sur notre trajet
! Il faut dire que ce fleuve n'est que le fossile d'un fleuve qui fut autrefois très important.
A un moment, on aperçoit un véhicule blanc retourné
sur le toit : petit pincement au cSur ...
En approchant, on se rend compte que c'est une épave de
"pick-up" Toyota essence : on nous explique que ce
sont des contrebandiers, qui tentaient d'échapper aux
douaniers .
Leur puissant 4x4 a littéralement explosé sur une
série de saignées profondes ; les pauvres gars
: cela a dû faire mal ! Ici passent émigrants clandestins,
armes, cigarettes et filles...manque que le whiskey !
L'après-midi
tire à sa fin, il y a un moment de flottement entre les
4x4 et le camion: Moulay tranche et pose le bivouac sous un
grand rocher.
Il est recouvert de gravures rupestres, réalisées
à hauteur d'homme au fond d'abris en encorbellements: des girafes, des autruches...
Le sol est jonché de débris de poteries antiques,
parfois décorées.
Cette journée a été dure pour moi: je suis
vidé, les jambes flageolantes, fébrile. Je plante mon duvet n'importe où, en plein vent, et je me couche sans manger. Didier, qui voit bien que ça ne va pas, m'apportera quelques nouilles
: c'est toujours ça d'ingurgité.
Lors d'une des nombreuses séances "cagagne",
c'est l'apothéose: je lâche mon seul rouleau de
papier qui fait immédiatement buvard dans la flaque de
m... De plus, je n'ai plus un seul sous-vêtement de propre
: on atteint les sommets!
Au matin, Éric me demande si je ne peux pas prendre sa
moto. Il semble avoir contracté la même chose que
moi. Comme je veux profiter de ce voyage, je me force à
accepter, cela hâtera peut-être ma remise en forme.
Un petit vent de sable tenace nous a agacés toute la nuit
(pas loin de force 6 de l'est). J'ai parfois eu l'impression
de recevoir des averses de sable: on ne dort pas vraiment bien
dans ces conditions!
Après un petit déjeuner pris à l'abri entre le camion
et la falaise, nous refaisons le plein et partons vers l'est.
Les guides nous laissent jouer à nouveau dans une zone de sable et de roches
gréseuses. Ce n'est pas la grande forme, aussi je me contente
de suivre les autres, non sans tenter quelques grimpettes de
dunes, virages en appui, équilibre plus ou moins assuré
sur une crête, descente molle... Je ne suis pas très
précis, aussi je calme le jeu!
L'endroit est un véritable terrain de jeu pour "freeriders".
Nous sommes au point le plus
Sud de notre voyage, à moins de 70 kms de la frontière
du Niger.
De l'autre côté vers l'est, nous passons à
côté d'un puits comblé au milieu d'un bois
de gros acacias.
Pour Moulay, il serait à sec.
Nous avons dû l'attendre vingt
minutes dans le vent et la chaleur: ne nous voyant pas arriver,
il était parti à notre recherche! Ce sont les
aléas du voyage en groupe, surtout quand on est nombreux.
Ensuite nous remontons plein nord, en suivant la plaine de l'Igharghar, que nous quittons pour celle encore plus large, de l'oued Tagrera : des kilomètres et des kilomètres poignée de gaz vissée à fond ! (110 kms/H...)
En fin de matinée, nous apercevons au loin des reliefs
qui servent probablement d'amers à Moulay. Ce sont des pitons de grès
qui se dressent au beau milieu de la plaine. Nous faisons halte
au pied de l'un d'eux, le rocher de la girafe.
La sieste est
longue; tous éparpillés sur les dalles au pied
du rocher, on dirait une bande de macaques rhésus !
Hervé (qui « a du sang » !), part faire un tour avec sa moto
en plein cagnard. En revenant, il nous raconte avoir rencontré
un grand serpent jaune qui s'est enfui dans les rochers. Moulay
désire le voir (décidément consciencieux,
le bougre): il part à sa recherche. Ici, ce ne peut-être
qu'une couleuvre de Moïla.
Ces jours-ci, Hervé
et Christian voient également un renard famélique,
avec sa queue caractéristique à bout blanc, et
un fennec. C'est ce qui arrive à ceux qui musardent beaucoup,
à l'écart ou un peu en avant du "convoi".
En milieu d'après-midi, la chaleur est un peu tombée,
et nous repartons vers le nord.
Nous croisons quelques pâturages
(la pluie est tombée la semaine dernière), qui
attirent des chameaux. Nous croisons aussi quelques 4x4 accompagnant
des groupes de trekkers. Nous piquons au nord-est.
En fin d'après-midi,
c'est l'arrivée dans un cirque rocheux, balisé
par un magnifique éléphant de 50 mètres de haut: c'est
le jumeau de celui qui se trouve en Mauritanie! Nous bivouaquons
ici.
Didier et moi, que cet aspect de la vie saharienne intéresse toujours, partons avec les chauffeurs à la recherche
d'eau: il y a une guelta dans le voisinage, qui s'avérera
à sec, du moins à sec d'eau potable!
Nous sommes
déçus, le paysage est complètement minéral
et pourtant il y a des chameaux qui viennent boire ici : ce sont
eux qui ont tout bu et pollué le peu qui restait.
Le soir, je n'arrive pas à manger correctement; l'ambiance est morose et tendue. Grâce à la « prévoyance » des Mâconnais, les bouteilles d'alcool défilent, mais cela n'y change rien, au contraire. Taïeb, le fils de l'organisateur, un jeune algérois « fils à papa » tout ce qu'il y a de plus moderne, habillé en jeans et T-shirt, nous parle de l'islam et de la « grande civilisation arabe », de ses figures historiques, la plus grande à ses yeux étant Oqba, l'émir qui conquis le Maghreb en 681...:« Grand comme...comme...les tours jumelles de New York »! Quatre ans après l'ignoble attentat, ce jeune provocateur est-il fou? fanatisé? ou tout simplement idiot !? Son intervention est suivie d'un silence interloqué, nous abrègeons la soirée: demain est un autre jour.
Chacun choisit une place dans de drôles de petites rigoles
au fond sablonneux: nous sommes alignés les uns derrière
les autres, à quatre ou cinq par rigole.
Des lumières apparaissent sur la crête en face,
de l'autre côté de la grande dune: des trekkers
y campent.
La nuit sera plus calme que la précédente.
Ce matin l'air est clair, et il fait bon.
Mais le vent se lèvera dans la matinée. Quelques-uns
ont une petite mine, tourista oblige. Tout le monde roule aujourd'hui.
Nous ferons 106 kms ce jour là.
Cela commence par une séance de rodéo dans une
plaine rocheuse défoncée, puis nous atteignons
un petit cordon de dunes où, tradition maintenant bien
établie, tout le monde va jouer sauf moi, contraint de
m'économiser un peu !
C'est le seul jour où nous croisons plusieurs fois quelques
groupes de trekkers en 4x4, ou plus exactement de trekkeuses
!
Je viens de prendre conscience que les amateurs de trek sont
du sexe féminin et les amateurs de moto du sexe masculin: cherchez « l'erreur » !
Nous continuons vers le nord-nord-est à travers la plaine
immense. Nous longeons une espèce de crête basse
ou tous les motards grimpent, redescendent, s'infiltrent entre
les rochers, tout en suivant du coin de l'œil la progression
du 4x4 à bande rouge de Moulay.
Il y une multitude de
tombes pré-islamiques
alignées tout le long de cette crête.
Puis nous la quittons pour traverser une grande étendue
plane vers le nord-est, l’oued Ti-n-Tarabine, et débouchons sur une dépression
bleuâtre; avec Richard on s'arrête, intrigués: « de l'eau ? »
En s'approchant, on s'aperçoit que ce n'est qu'un effet
d'optique dû à un dépôt d'argile bleue. C'est Esselin Trekfen (parfois écrit « Assali-n-Trakfine ».)
Tout à côté, un arbre, et une longue dalle bombée, parfois surnommée « la baleine »,
recouverte de gravures rupestres d'un beau style: des lignes
bien marquées dont les bords sont adoucis et polis (style
de Tazina ?). La pierre est presque bleue.
L'ombre de l'unique acacia, de belle taille, est squattée
par la grande natte et par les cuisiniers pour la halte de midi
(il a quand même fallu virer les motos pour ça !)
Il fait très
chaud, et l'après-midi commence par une bonne sieste !
Eric se balade carrément dans un magnifique slibard blanc
à moitié déchiré! Grosse rigolade
du côté des chauffeurs targuis!
Nous finissons par décoller pour aller faire joujou sans
conviction dans le petit massif à côté, composé de dunes
et rochers, pour changer (on se blaserait vite ?! ), puis un
peu plus loin vers l'est, en direction de l'oued Tahaggart.
On y trouvera des débris de poterie au pied de reliefs
chaotiques: pitons, arches..; lors d'une halte à l'ombre,
deux faucons laniers nous survolent sans arrêt, inquiets
de nous voir si proches de leur nid !
J'en profite pour piquer un quad: dans ce décor de rochers
plantés dans des dunes pâles, c'est un outil ultra-efficace
et jouissif à piloter. Je tempère ce que je pense
des quads!
Olivier, le journaleux de quad passion, me rejoint avec le sien
et nous passons dans des endroits...étonnants !
Nous revenons sur nos pas, vers la dalle, puis continuons vers le nord-ouest, dans l'oued Tarabine.
En fin d'après-midi,
nous faisons halte dans les rochers, sur le bord ouest. Je suis
toujours mal, d'autres montrent également des signes de
dysenterie, Richard semble souffrir aussi.
Tout le monde s'installe: Moulay nous a prévenu qu'il
y avait des risques de scorpions
près des rochers.
J'abandonne prudemment Didier pour me
poser sur une dalle au milieu du sable; parfait, le ciel pour
nous et pas de vent, c'est le bonheur...s'il n'y avait cette
s...de tourista; avec Christian, on se demande s'il n'y aurait
pas autre chose: des amibes par exemple ?!
Ce soir,
c'est la fête, chacun a le droit de se faire un shampooing
et une toilette selon l'humeur: les chauffeurs sont allés
chercher de l'eau à la guelta d' Adobdob, à 15
bornes d'ici. Elle est limpide, douce et fraîche.
Puis c'est l'heure du dîner. Les cuisiniers préparent la « taguella », le pain cuit dans les braises et le sable.
Nauséeux, je préfère aller me coucher...Je crois que Sammy et Richard ont fait de
même.
Le lendemain, belle journée. On file au nord, toujours
le long de l'oued Tarabine. Aujourd'hui,
c'est tourisme! On
s'arrête à la « molaire », un rocher en
équilibre précaire sur une base très étroite.
Puis on s'enfile dans un passage étroit, de la largeur
d'un 4x4, qui nous descend vers Youf Ehakit.
Ce nom bizarre signifie
"mieux qu'une tente"! L'humour n'est
pas absent des toponymes tamachek! En découvrant le site,
on comprend mieux le sens de ce nom; ce sont de vastes abris
sous roche, parfaits pour un bivouac confortable.
L'après-midi, les volontaires ont quartier libre pour
aller visiter l'aguelmam Adobdob (une guelta toujours en eau):
nous avons « une heure trente, pas plus ! »
C'est un ravin
encaissé encombré d'acacias en fleurs, qui se termine
en un canyon étroit, jonché d'énormes blocs
de pierre éboulés; la falaise verticale culmine
60 ou 80 m plus haut.
Il paraît qu'en période de
pluie, une grande cascade se déverse au fond. Le bassin
fait plus de 50 m de diamètre: c'est un délice
de tirer un peu d'eau à la bouteille et de profiter de
cette douche même sommaire !
Tout le monde est ravi. Mais personne
ne se baigne car cette eau est utilisée pour alimenter
hommes et bêtes.
En redescendant, nous découvrons sous un bloc de pierre un cadavre de mouflon, entièrement nettoyé ! Probablement tué par un prédateur: Chacal ? Guépard ? Lynx caracal ? Hyène ? Difficile de savoir, Moulay n'est pas là pour me renseigner. En tout cas, ce n'est pas un braconnier: il n'aurait pas dépecé et abandonné le squelette entier dans un abri si exigu, si malcommode pour un homme.
Nous rejoignons la troupe, nous rhabillons fissa, et c'est reparti pour le nord.
Je roule devant, et je vois Hervé qui me rejoint: d'humeur
joueuse, je le repasse et ce sera "gaz" en grand, poignée
droite soudée pendant 15 ou 20 bornes! Le délire,
comme des gosses sur des mobs! Je dois être en train de
reprendre du poil de la bête...
Nous quittons l'oued Tarabine pour l'oued Tibeleghlaghine (ouf!):
grandes plaines, gaz en grand!
Le soir, un peu à la bourre, Moulay nous fait bivouaquer
à Fouts, dans un oued au pied de reliefs plus accusés,
et parsemé de quelques acacias assoiffés.
C'est la routine de l'installation: d'un côté,
délimitation du territoire de la « Mâconnie
libre, indépendante et unie », très organisée,
très soudée - mais pas fermée, de l'autre
côté les « indépendantistes cévenols »,...pas
de territoire défini, un peu dans tous les sens, aucune
unité...indépendants, quoi, mais pas fermés
non plus! Eric, d'humeur solitaire, s'aménage un petit nid à l'écart.
La liberté, en somme !
Le bois abonde et les targuis en font
provision; nous les imitons, car l'air est plus frais ce soir:
nous remontons nettement en altitude et latitude.
Au programme ce soir, soupe relevée (la chorba), nouilles
à la sauce pimentée, avec quelques morceaux de
viande dans un bol, fromage genre hollandais local, quelques
dattes.
Avant et après, rhum dominicain et vodka ! il ne reste
ni whiskey ni pastis...
Derrière nous un énorme feu ronfle, alimenté
en permanence par les uns ou les autres. Ca doit se voir à
des kilomètres de distance ! La nuit sera calme.
Le lendemain, on
remonte l'oued Foûtès, puis d'oued en oued on aboutit dans
l'oued in Deledj.
A un détour, on tombe sur un
puits, creusé dans le talus qui borde le lit de l'oued. Quelques
acacias, des huttes, des enclos en épineux pour les
chèvres. Nous
puisons de l'eau: elle est douce et fraîche, un délice
à boire et...à asperger ! De l'autre côté,
il y a des jardins et une maison avec un autre puits (et une motopompe,
nous dira Moulay).
Ce dernier arrive après un long moment, et monte son 4x4 sur le
talus ou nous nous trouvons: c'est l'embranchement qu'il fallait
prendre; nous avons eu de la chance !
De vallée en
vallée, nous arrivons en ordre dispersé au bord de l'oued
Taghhaouhaout (à vos souhaits).
De temps en temps un arrêt
essence , eau... ou cagagne (pour les amateurs comme moi !)
Il faut emprunter cet oued vers le nord-ouest pour rejoindre la source de
Temekerest: il a plu la semaine dernière, et il paraît que
la traversée était impraticable.
Je n'ai jamais vu un oued si mou ! C'est pénible, je me demande
comment font les autres pour rouler si vite (et pourquoi ?!) - il faut dire que je suis
reparti à la bourre derrière tout le monde, on a toujours
du mal à recoller après ça!
Plus loin, un ou deux véhicules sont dispersés le long de l'oued,
à l'abri d'acacias. Au fond, nous nous arrêtons au pied
d'un petit bassin d'écoulement où vient mourir un ruisseau d'eau
claire sur fond de gros sable beige.
Dans l'oued, une berbère bergère avec ses chèvres.
Jupe foncée, visage, bras et mollets nus, elle nous regarde avec
curiosité: elle nous proposera sans insister quelques
babioles-souvenirs (de petits canevas de perles à motifs
géométriques).
Nous grimpons aux
cascades qui dégringolent plus haut, entre grès rose et
gris. Au sommet, l'eau sourd du sable entre les joncs, tout simplement.
La douche est un mélange d'eau froide et de gros grains de
sable: c'est tonique.
On passe ensuite une moitié de l'après-midi à
attendre François et Sam qui se sont probablement perdus. Kako
et un chauffeur sont partis en 4x4 à leur recherche.
Finalement, Moulay
part aussi, pour revenir un moment après avec nos deux pieds
nickelés. A table !
Ensuite, c'est le long retour vers Tamanrasset sur une piste en grande
partie sablonneuse (très empruntée), où il vaut encore
mieux ouvrir les gaz si on ne veut pas être trop chahuté
dans une trace défoncée par les véhicules à
4 roues : ce que je déteste le plus !
Nous dépassons des jardins maraîchers qui annoncent
l'entrée dans Tamanrasset: les guides sont apparemment
pressés de rentrer, car tout le monde disparaît
brusquement devant moi !
Je dois être "à l'arrêt" car je me retrouve tout
seul, bientôt rejoint par Didier.
Nous retrouvons Olivier à l'entrée de
Tam'.
un poids-lourds nigérien passe, chargé à
bloc, en route pour le grand sud.
Plus loin, nous retrouvons un des notres qui nous attendait à un
carrefour, et recollons au groupe dans Tamanrasset: beaucoup de
véhicules, pas mal de monde, mais ambiance un peu africaine et
atmosphère calme.
Et c'est
l'arrivée à l'agence « club aventures africaines », où sont
entreposés les motos et quads.
Tout le monde va prendre une bière à l'hôtel (le
seul endroit où on en sert officiellement), puis on nous emmène
au Hammam, où chacun peut se récurer à loisir: quel
bonheur !
En fin de séance, je demande si le masseur est libre; Kako
intervient et un noir jovial s'approche: je m'assoit et il m'imite
aussitôt. Drôle de position pour masser ? Je me tourne et
il en fait autant: on se regarde et nous finissons tous dans une
franche rigolade ! Il avait compris que je faisait des massages...Tant
pis, ce sera pour une autre fois. Nous sortons dehors et attendons un
bon moment, le temps que les "collègues" aient obtenu leur
massage...J'aurais dû en faire autant !
Le soir, retour au bivouac à l'écart de la ville, non
sans avoir poireauté à récupérer les uns et
les autres: Mohamed le cuisinier nous a préparé un
couscous d'enfer.
Kako, le "maître de cérémonie", et son ami Sammy
nous quittent pour prendre l'avion. Deux bons compagnons ces deux
là ! Aux petits soins avec nous, toujours de bonne humeur, pas
« langues de bois » pour un sou, des « mecs bien », quoi !
Le
lendemain, retour à Tam' pour une matinée d'emplettes: il
faut bien faire vivre le petit commerce local; il y a de toutes
évidences un marché tacite entre les guides et les
commercants de Tam'. C'est l'usage.
Ca tombe bien, je cherche une petite dague targuia comme coupe papier
pour un ami! Tout le monde s'éparpille et fait quelques
emplettes ou mange un morceau.
Puis c'est le transfert à l'aéroport, les adieux aux
guides: « À la prochaine, Moulay? »; « Inch allah !»
Et les motos dans tout ça ?
Après les moues dubitatives avant le départ, les premiers
grognements devant leur fonctionnement poussif en altitude, on s'y est
fait!
Il faudra peut-être affiner la carburation pour trouver un
compromis entre Tam' (1374 m) et Ti' m
Méguérourène (489m): mission impossible ?
Ce sont des motos légères et faciles, il faut juste s'habituer au bib'mousse, pour les tenant de la
chambre à air: en revanche très pratique pour rouler ou
se garer sous les épineux acacias!
Elles ne sont pas très puissantes, mais dans cet environnement
ce n'est pas un handicap, même dans le sable: le terrain est
piégeux et les services médicaux d'urgence
éloignés...
Comme toute machine que l'on ne connaît pas, il faut s'y adapter, ce qui est fait au
bout de la première journée! On oublie vite la belle enduro sophistiquée
qu'on a laissée en France.
Ensuite, ce ne sont que parties de rigolade, tout le monde avec la
même moto, poignée dans le coin comme des gosses, ou alors
tranquillement à musarder à son rythme, là où
notre fantaisie nous mène, ou à explorer autour du
campement en petits groupes...les bonheurs oubliés d'une bonne
tranche de moto entre amis et sans complications !
Ah, j'oubliais les quads ! C'est la première fois que j'en
essayais un dans le sable, c'est l'outil idéal! Sur sol dur,
c'est moins évident; en tout cas, grosse condition physique
exigée pour rouler longtemps.
On a bien
rigolé avec les trois quadistes présents, et il y a des
jours ou ils m'ont impressionné: les suivre zigzaguant comme des dingues
dans les ornières de la piste, toujours à la limite de se
sortir ou de mettre la cabane sur le chien, c'était un spectacle
réjouissant! Comme l'a dit Hervé, le jeu vidéo
Mario-kart, mais en vrai !
Voilà la belle histoire des petits enduristes maconnais (qui font la rime avec...déconner bien sûr!) et cévenols (un peu fols)..qui a dit folles ? T'as 'oir ta gueule à la prochaine récré en Algérie !
Epilogue: moins rigolo, avec
diagnostic de dysenterie amibienne et près de 3 semaines de
traitement à la clé pour quelques-uns...Probablement un
problème d'hygiène alimentaire et hydrique en cuisine :
à revoir impérativement.
Mais tout le monde s'en est sorti, et les choses sont bien faites : on
ne retient que les bons souvenirs ;-)
FIN
Il s'agissait d'une balade à moto dans le tassili du hoggar, en mars 2005 (un raid « Yamaha Adventure » )
avec « Kando aventures »
et l'agence « club aventures africaines », organisateurs algériens spécialisés dans ce genre de raid.
Un grand merci à tous ceux qui ont partagé leurs photos avec moi, notamment Olivier, journaliste professionnel pour un magazine de Quad.
Notre parcours approximatif (un tracé exceptionnel !)
touareg: terme arabe désignant les populations berbères
de la région (adjectifs: targui, targuia, touareg)
kel tamachek (ou tamahak): l'équivalent pour eux-même
chameau: appellation du dromadaire au sahara !
chibani: le vieux (pas péjoratif)
cairn: tas de pierres, souvent à but d'orientation
amer: repère remarquable utile à la navigation
cagagne: diarrhée en langue occitane !
tourista (ou turista): gastro-entérite infectieuse du voyageur
GPS: appareil portable de positionnement par satellites artificiels
nord-américains
gara (gour), garet, garaet : colline(s) tabulaire(s) (et formes
diminutives ?)
guelta: point d'eau dans la roche ou le sable, plus ou moins temporaire.
aguelmam: équivalent en tamachek
daya: cuvette à fond argileux sur un sol plat; garde l'eau de
pluie un certain temps et favorise la présence d'un peu de
végétation
erg: ensemble dunaire
sif: crête dunaire aigue
reg: plaine pierreuse
tassili: plateau gréseux presque complètement
érodé, dont il ne reste que des buttes ou quelques
massifs témoins
dorca: petite gazelle commune du Sahara.
thalla: tamaris