Nos raids moto en Tunisie - 1993 à 2007


Première balade à moto en autonomie - 1993

À la poursuite d'un rêve

Veillée d'armes

Dimanche 7 Février 1993

Nous nous sommes donnés rendez-vous chez moi à Boisset, Didier Hervé Christian et moi, pour une « veillée d'armes »: nous avons programmé une virée à quatre en Tunisie, avec nos motos, en autonomie. Hervé est venu en famille pour déposer sa moto, qui partira sur la remorque 3 places que nous partageons avec Christian. Nous en profitons pour finir les derniers préparatifs. Didier a même poussé la préparation jusqu'à essayer sa tente dans le jardin: - 5 degrés ce jour-là. Mon garage et une vraie ruche.

Didier traficote sa moto pour faire semblant, mais il semble fin prêt. Ce sont les derniers petit soucis à régler: le robinet d'essence de ma moto fuit un peu; tant pis ! On fixe les chambres à air sur les motos, les outils...Je vais faire un dernier essai dans le champ avant de remballer...Ça semble bien rouler.


Christian est serein. Toutes nos familles sont là, femmes et enfants. Il fait un beau soleil ce jour-là. On en profite pour faire un petit apéritif, au pastagua pour les grands !


Mise en jambes

Vendredi 12 février, 9h du matin

Ça y est le car-ferry «Liberté» nous attend. Hervé et moi accompagnons les quatre motos sur le ferry. En effet, nous sommes de corvée de convoyage des motos de Christian et Didier, qui doivent nous rejoindre à Tunis, bien confortablement acheminés par avion.


Samedi 13 février

Passer la douane tunisienne avec quatre motos et deux passeports n’est pas une sinécure...cela nous prendra plusieurs heures... Les deux loustics nous ont rejoints par avion et ont récupéré leurs motos. Le temps de fixer les bagages, et en route pour de nouvelles aventures.


Nous prenons la route pour commencer et en profitons pour visiter quelques ruines antiques : Tuburbo Majus, le temple des eaux (nymphea) de Zaghouan, où nous logeons dans un hôtel de tourisme à l’atmosphère surannée.


Descente dans le sud par les pistes

Dimanche 14 février

Puis ce sont les premières pistes, très grasses, plutôt de type malgache que désertique. Hervé se vautre, il est de mauvais poil. Nous rencontrons nos premières gargotes de brousse, nos premières salades mechouïa, et nos premières cagagnes ?...


Nous prenons de plus en plus de pistes. J’ai repéré sur la carte une piste en pointillés rouge à l’écart des routes, près de Sidi Saad, qui suit l'oued Zeroud. C'est une très belle piste mais difficile à trouver : notre cartographie est peu précise ; il faut dire qu’à cette époque, nous naviguions avec des cartes très anciennes, à l'échelle 1/ 1000000e : IGN ou touristiques.

Sur une piste, entre Nasr’Allah et la route de Faïd, alors que nous allions bivouaquer au bord de la sebkhiet El Bahira, un jeune homme nous invite chez lui avec sa famille : Chedli est envoyé par son grand-père pour nous chercher !


le village s'appelle Ragouba Hamra. On tue un mouton pour nous ! Didier, qui n'aime pas cette viande, et encore moins les abats, morceaux de choix réservés aux hôtes (!), profite de l'obscurité pour les faire glisser à terre par ses bas de pantalons: le chien de la maison se charge de faire disparaître toute trace du forfait ! Insortable...Un couscous suit les grillades, que nous partageons à la cuiller. Le lendemain matin, ce sera un petit-déjeuner à base d'huile d'olive, pain, oeufs durs...Nous recevons une belle leçon d’hospitalité à l'ancienne. Une atmosphère d’ancien testament ?


Lundi 15 février

Nous réalisons qu’il est de coutume de remercier cette hospitalité par des cadeaux...Nous laisserons quelques effets à la famille. Je ne peux faire moins que de proposer un tour de moto à Chedli: ce passionné de mécanique deux-roues a beaucoup apprécié; ça l’a changé de ses mobylettes, dont les pièces détachées emplissent une annexe de la maison. Après notre retour, nous échangerons quelques lettres...via l’instituteur, où il sera question de vidéos...Je lui enverrai un ouvrage sur la mécanique deux-roues.

Un peu plus loin, nous roulons dans notre premier lac salé entre Sidi bou Zid et le djebel Meloussi : plein sud !

Puis c’est une vieille piste, indiquée en pointillés sur la carte IGN, vers le col de Hadège dans le djebel bou Hedma, à côté de Meich.

Nous jardinons un moment avant de trouver la grande piste transversale qui file vers l’ouest, vers Metlaoui. Variée, isolée, très peu fréquentée : le bonheur du raider !

Sur la route nous faisons une pause-café : deux jeunes fument une chicha, la pipe à eau traditionnelle : un brandon chauffe le tabac, dont la fumée est inhalée en traversant l’eau. Ils nous proposent de l’essayer. J’aspire une grande goulée, bien au fond des poumons...et c’est l’éblouissement, une sensation qui me vrille le cerveau ! Était-ce bien du tabac ? Possible, avec certains tabacs puissants...J’arrête là l’expérience.

Nous allons visiter à pied les gorges de la Seldja, où nous pénétrons le long de la voie ferrée du train de minerai de phosphate, aussi utilisée par le « Lézard rouge » touristique. Un homme rencontré sur place nous accompagne pour nous commenter son domaine.


Cet oued coule vers une étroite faille qui débouche dans la plaine où se trouvent les chotts el Fedjej et el Rharsa. Le long du ballast de la voie ferrée nous trouvons des dents fossiles de requin d'une taille impressionnante. Cette voie relie les mines de Phosphate de Redeyef-Moularès à Metlaoui au pied de la montagne.


Plus tard nous rejoignons Chebika et sa source, où nous trouvons trop de touristes. Le restaurateur hôtelier de Tamerza refuse même de nous servir à manger, car il attend un car entier de touristes allemands : ils nous reçoivent très mal et je m'énerve un peu devant tant de mauvaise grâce. Finalement nous pique-niquerons de boîtes de sardines ou de thon et de pain. Nous redescendons ensuite dans la plaine.

En voulant traverser le chott el Rharsa, comme le tracé frôle de près la frontière algérienne, je vérifie mon GPS. Oups, nous avons un peu pénétré en Algérie, je m’en rends compte un peu tard et Didier et moi faisons un peu trop vite demi-tour vers l’est. Hervé et Christian mettent du temps à réagir. Quand ils nous rejoignent, Hervé nous engueule...Ouf plus de peur que...d’ emmerdements ! Au loin, on pouvait voir un poste de frontière algérien...

En fin de journée, c'est le premier bivouac au bord du chott el Rharsa. Hervé fait la gueule et je finis par sortir un peu de mes gonds. Il voudrait presque en venir aux mains...On se calme et il craque un peu: nous étions un peu tendus ce jour-là.

Les traversées de chott

Mardi 16

Le lendemain demain matin, il fait beau : on décide de tenter la traversée du chott el Rharsa. Je suis un peu réticent...Mais après tout, nous sommes quatre, et la surface, humide, semble assez ferme : allons-y.


J'en profite pour faire un bout de film avec la caméra fixée sur le casque, ma « spécialité » !



Ça y est, à force de jouer dans la glaise, nous nous y plantons, à plusieurs kilomètres du bord ! Une matinée et plusieurs séances de poterie plus loin, nous réussissons à dégager les motos et à extirper les bonhommes de ce pétrin très impressionnant. C'est le retour au bord, là où nous l’avions quitté.


Nous allons contourner le chott par l’est (de l’autre côté, c’est en Algérie!). Nous apercevons un troupeau de gazelles qui fuit au loin : il y a effectivement un parc national dans cette contrée. Mes camarades, décidément joueurs, tentent à nouveau la traversée du chott un peu plus loin: c’est moins détrempé, ça passe !

Plus tard, nous rejoignons la palmeraie de Nefta, où nous nous promenons dans les jardins : c'est un moment magique. On trouve toutes sortes de cultures sous les palmiers, beaucoup de maraîchage, des grenades, des fruitiers, et même de la vigne.


Le cœur de la palmeraie s'appelle « la corbeille ».




Mercredi 17

Le lendemain, nous tentons une deuxième traversée de chott, cette fois de l'immense chott el Djerid. Au bout de 500 mètres, nous revenons en arrière, car le terrain est trop gras. Nous contournerons le chott par l’ouest, car il y a une autre piste. Cette piste est difficile à trouver, pour cause de cartographie imprécise, de renseignements obsolètes (le guide du Sahara!), et de changements fréquents sur le terrain.

Après un bout de hors-piste, on finit par lui tomber dessus : elle est monotone, toute droite, suivant les ondulations du terrain. Nous croisons un groupe de motards du raid Amonzevo (blaireaux !)


Nous nous arrêtons à bir el Hadj Amor : au fond du trou on aperçoit l'eau. À la fin de la piste, on retrouve du bitume tout neuf, celui de la route Kabylie bir el rejem Maatoug.


Didier fait une pause pour photographier son dromadaire (son Aprilia Touareg !), en compagnie de ses frères naturels : ça doit lui rappeler son pays natal (la Mauritanie !)...


Un camion est garé sur le bas côté de la route; son chauffeur nous demande si on peut lui prêter une clé pour dépanner son poids lourd ! Sceptiques, nous lui montrons nos outils : notre plus grosse clé, une Ø 24,fait son bonheur et lui permet de resserrer l’accouplement de son pont de transmission !


Nous faisons halte pour camper dans la palmeraie d'el Faouar. Au menu, « djej » (poulet) rôti au feu de camp : miam. Hervé est vraiment un chef !


Première rencontre avec LE SABLE !

Jeudi 18

Nous allons tenter de rejoindre ksar Rhilane en passant par Douz. Après el Faouar, c'est Sabria, Zaafrane, Douz, puis nous poursuivons vers l’est : ce sera la plus belle piste de tout le voyage.


Piste est un bien grand mot, car nous la perdons très vite pour circuler totalement au cap et au GPS : vive l'aventure! Didier et moi appliquons les méthodes de navigation maritime que nous connaissons : carte et compas de relèvement de temps en temps, et GPS pour les caps et distance.


Il s’agit de mon premier Garmin GPS 50, dont les fonctionnalités et la mémoire étaient limités, la mienne aussi ! Mais la précision était déjà très correcte, une vraie révolution à l’époque! La carte disponible à l'époque n'est qu'à l'échelle 1/1000.000e, ce qui est suffisant pour savoir grossièrement où l'on se trouve.

Nous nomadisons de plus en plus en plus : même à midi, nous faisons du feu pour le thé, qui devient indispensable. Ce jour-là nous débusquerons un fennec et un chacal.


Je tente une deuxième séance de caméra sur le casque, puis le soir c'est l'arrêt pour le bivouac avec sa traditionnelle corvée de bois « au milieu de nulle part ».


Christian fait du nivellement pour le couchage, mais il y a aussi des corvée de « bulle » ! Notre petit nid est bien sympathique. « Homme blanc faire beaucoup de bois car nuit sera très froide » : il s'avérera que nous avions un degré cinq sous la tente.


Quelle récompense : les étoiles, la solitude entre amis autour d'un bon feu, et les bruits de la nuit.


Vendredi 19

Le lendemain, nous poursuivons notre route, toujours au cap, vers ksar Rhilane.

Nous traversons parfois des passages très, très mous, où le sable a complètement envahi le paysage. Sous le sable, nous apercevons de temps en temps des embryons de piste, des traces diverses, qui toutes convergent vers cette « passe ». Nous sommes dans la bonne direction ! C’est Toual el Bibane.

C’est un passage sableux obligé pour se rendre à ksar Rhilane par le nord-ouest. Le sable y est très mou, labouré par de multiples passages. Hervé Christian hésitent, et commencent à lorgner vers un éventuel contournement par le nord.


Mais je pense qu'il faudrait beaucoup remonter, alors je force un peu les choses et, Didier et moi, nous franchissons la passe pour ne plus leur laisser le choix : finalement ce n'est pas bien méchant. Que nous étions timides !


Christian se lance à grand frais de gaz, et il passe. Hervé s'est planté, mais ça nous est tous arrivés et avec un peu d'habitude on s'en sort tout seul: on le laisse se débrouiller !


L'astuce, une fois la moto bien enfoncée dans le sable mou, consiste à la remuer de droite et de gauche jusqu'à ce qu'on ait aménagé un cratère de chaque côté des deux roues. Il suffit de redémarrer la moto et d'embrayer doucement « au décollage ». Si elle se ré-enfonce, on la remet alors dans la pente et on recommence un peu plus loin.

Des circonstances rendent le sable plus mou: en plein milieu de la journée quand le sable est très chaud et sec, si des véhicules sont passés avant et ont labouré le passage: voilà pourquoi il vaut mieux choisir une surface vierge pour franchir du sable. Quand on a pas le choix, il faut ouvrir les gaz et rouler suffisamment vite pour planer un peu sur le sable (50-70 km/h !).

En montant sur une éminence, nous découvrons la palmeraie vers le sud est. Un bon petit vent souffle ce jour-là. Au sud-ouest, on aperçoit très bien les groupes de Garet, petites collines tabulaires en direction de bir Aouïne.



Finalement nous atteignons le fort des Français, l’ancien fort romain du « limes tripolitanus ». Nous partons à l'assaut du fort. C’est toujours aussi mou et nous sentons les motos bien lourdes.




Puis nous arrivons dans la palmeraie de ksar Rhilane elle-même, et arrêtons les moteurs au bord du bassin, près de la résurgence. Tout le monde est à l’eau en moins de 10 minutes. C'est le repos des cavaliers du désert.


Des motards allemands arrivent à résister une demi-heure à la tentation ! Ils finissent par craquer les uns après les autres et nous rejoignent dans le bassin ! Ce bassin n'inspire pas confiance au premier abord, avec ses herbes aquatiques d'un bleu-vert suspect, mais cette eau chaude et un peu soufrée est un véritable délice après les fatigues de la piste.

Après le déjeuner à une gargote (très peu nombreuses à l’époque !), et malgré nos réserves peu abondantes, nous quittons ksar Rhilane en direction du sud par l'ancienne piste de l’ouest, puis par la piste à camion : nous espérons faire des provisions et les pleins d'essence au poste de contrôle de Kamour.

Quand nous y parvenons, la réponse des militaires est « Niet ». Ils n’y a pas de commerces, et il faut une autorisation pour circuler dans la zone du grand sud, zone militaire. Ils nous consolent en nous donnant des petits pains tout ronds et tout chauds ! « Choukrane ».C'est l’hospitalité tunisienne. Je suis très déçu,et j’ai senti que mes compagnons étaient plutôt soulagés, pas vraiment enthousiastes pour « l’inconnu »...

En direction de bir Amir, vers l'est, nous nous arrêtons pour ce qui sera notre dernier bivouac dans les premiers contreforts de la chaîne du Dahar. Il fait froid et ce bivouac est morose...ambiance bizarre.


Dans les monts du Dahar

Samedi 20

Nous progressons en hors-piste dans le Dahar, en direction d’el Guettar, que nous ne trouverons jamais. Et une engueulade d'Hervé, une !


J’ai un peu lâché la navigation : on ne sait plus vraiment par où on veut aller, et nous tentons des pistes « à peu près dans la direction » de Tataouine.


Sur la route entre Remada et Foum Tataouine, nous nous arrêtons pour déjeuner mais il n'y a pas de quoi manger : pas de problème ! Nous faisons un petit feu et Hervé improvise des brochettes dans la foulée. Plus tard, nous rentrons dans le Dahar.



La plus petite vallée humide est exploitée pour les cultures, avec ces murs pour retenir la terre et l'humidité. La terrasse ainsi formée s'appelle un jessour. On y cultive de l'orge, des oliviers, des figues et des palmiers.


Nous roulons quelque part au sud de ksar ouled Soltane, le long de la bordure est du Dahar, puis nous finissons par revenir sur nos pas, à la la route goudronnée Remada – Tataouine. Nous logeons à l'hôtel la gazelle. Le soir, nous visitons la ville de Tataouine, ses cafés, ses pâtisseries orientales...


Dimanche 21

C'est une journée de repos.
Nous en profitons pour visiter ksar ouled Soltane, ksar de montagne dans le djebel Abiodh. Hervé et moi y faisons une séance d'aquarelle, sous les yeux curieux des gamins et gamines du village. Ici un ksar (des ksours), c'est un grenier collectif fortifié (d'où son nom, à la signification de château), entouré d'habitations dispersées.

Ils répondaient à l'arrivée des tribus nomades arabes dans le pays amazigh (berbère). Puis, après leur entente, toutes les tribus eurent le leur, berbères, berbères arabisés, arabes...


Ce ksar est historique : la première cour date du 14e siècle, la seconde afut ajoutée au XIXe siècle. Elles sont entourées de ghorfas, sur parfois 5 étages, qui servent encore à engranger le grain et les olives.




On y accède par des escaliers extérieurs ou même seulement des pieux fichés dans les murs.



Juste en face de ksar ouled Soltane, vers l'ouest, nous trouvons un autre ksar, difficile d'accès et très peu fréquenté : ksar bou Ziri ou ksar Sedra, du nom des semis nomade arabo-berbères de cette région (14e siècle ). On y trouve encore un ancien moulin à huile d'olive ; c'est un véritable nid d'aigle qui domine la plaine.


Les parois des ghorfas (greniers) sont constellées d'inscriptions en relief : signes géométriques, mains, pieds, voire caractères arabes. Loin vers le sud-sud-est, la grande plaine de la Jeffara, entre la méditerranée, la chaîne du Dahar et la Libye.


En ville, nous avons été abordé par un jeune homme qui nous invite chez lui à déjeuner. De retour d’un séjour à Paris, il a construit une maison ici. Au repas, un de ses amis nous rejoint ; nous déjeunons dans la salle à manger, entre hommes, assis au sol (la table est inutilisable).
Le soir, ils nous emmènent « chasser » sur la route de ben Gardane, eux en fourgon et nous en moto: cela s'avérera une vraie embrouille à la tunisienne ! Nous roulons dans le froid pendant une éternité, pour nous retrouver dans des champs, à la lumière de nos phares, à poursuivre...des gerboises ! Quand la pauvre bête s’immobilise, éblouie, le passager que nous avons embarqué à l’arrière sur la selle saute et se jette sur elle avec un sac. Lamentable ! L’exercice est casse-gueule et peu productif.
Au bout d’un moment, un paysan réveillé par les bruits de moteurs dans ses champs, sort de sa maison avec son fusil: il s’avère que c’est un parent de nos deux lascars ! Nous sommes finalement invités à partager un en-cas, des boules de farine d’orge toréfié humectées de thé. Étonnant ! Peut-être de l’aish, cette épaisse bouillie d’orge grillé, ou la fameuse zoumita ? Ça me rappelle les descriptions de la tsampa tibétaine. Il paraît que c’est une excellente nourriture pour le piéton voyageur au long cours : calorique, peu encombrant et facile à préparer. C’était le plat de base en Grèce antique (la « maza »)...
Mais nos aventures n'étaient pas finies ce soir là! Lassés de cette pantalonnade, nous plantons là nos tartarins du bled et rentrons de nuit sur Tataouine. Hervé percute alors un lapin, qui agonise au bord de la route. Je lui dis de faire rapidement le « bismillah » à la pauvre bête, sinon nos zozos, qui me paraissent dévôts, ne le mangerons pas ! Ni une, ni deux, Hervé sort son canif et lui entaille le cou pour le faire saigner. Ça ira bien comme ça ! Nous nous jetons enfin au chaud dans nos draps à l'hôtel.

Lundi 22

Le lundi , nous nous retrouvons à Tataouine pour le souk : c'est un marché local pour les Tunisiens, qui montrent parfois un peu d'agacement vis-à-vis des appareils-photo, mais c'est toujours le moins cher de Tunisie !



Nous continuons notre visite en faisant une petite halte casse-croûte à Guermessa, dans le djebel Demer, toujours à la chaîne du Dahar. Le vieux village perché de Guermessa est encore largement habité, en parallèle avec le nouveau village situé plus bas dans la plaine. Seul le piton sommital ne l’est plus.



Des ghorfas (greniers), un moulin à huile d’olive sont cependant encore utilisés. Cette partie difficilement accessible et fortifiée du ksar s'appelle la kalaa. Le moulin à huile est en bon état: il doit encore servir vu les traces de jeu récentes sur le pressoir et les cordes en bon état.



Tout au sommet du village, nous trouvons des traces de mains et de pieds laissées par les jeunes mariés qui enterrent leur vie de garçon. C 'est trop tard pour nous : peut-être Didier ?!

À l'étape du soir nous atteignons Matmata après une rude après-midi sous la pluie et dans le froid, le tout par de belles pistes de terre argileuse orange et glissante. Parfois, on dépasse un petit café où se réfugient des paysans transis, qui nous regardent passer, ébahis.

Matmata est vraiment trop touristique et de plus en plus bétonnée. Nous logeons à une auberge au niveau de la route (pas dans une troglodyte), avec beaucoup de jeunes touristes présents, où nous dormons mal, dérangés par les dérangements intestinaux des uns et des autres, les nôtres y compris. Je me souviens d’une très jolie fille croisée entre deux diarrhées...elle y était beaucoup moins « glamour » !


Nous filons vers Haddedj, village troglodyte beaucoup mieux conservé, dont un jeune homme aimable nous fait visiter, avec commentaires, la cour intérieure d'une maison, la chambre des jeunes mariés (le coup de fusil, l’exhibition du linge tâché de sang, etc.).

Retour au bercail

Ensuite c'est le long retour par la route, vers le nord, vers Tunis et le bateau.w/p>

Fini les pistes, mais nous en profitons pour faire du tourisme. Je ne me souviens plus très bien (nous voulions faire un détour par le port de Gabès pour manger du poisson?), mais il y a encore une gueulante d’ Hervé, et de Christian qui s’y met aussi…


À Kairouan, nous visitons la grande mosquée, la zaouïa de sidi Sahab, ou mosquée du Barbier, du nom de abou Dhama, le compagnon du prophète qui le rasait, et la mosquée des trois portes.



Nous logeons à l’hôtel Sabra, non loin de l’entrée de la medina de Kairouan. Cet hôtel, autrefois bien connu des touristes, me paraît virer à l'hôtel pour pélerins religieux...

Puis nous partons vers Tunis où, à la recherche de l'hôtel de la porte de France, des gamins nous entraînent , à moto, dans des ruelles de plus en plus étroites: je crains d'y rester le guidon bloqué ! Cet hôtel obsolète, à la gloire passée, nous acceille néammoins, nous et nos motos. Plus tard, nous visitons le souk. Deux jeunes hommes nous y abordent, l’air de ne pas y toucher, se disant footballeurs de l’équipe nationale... Ils finissent par nous emmener visiter un magasin de souvenirs, puis une boutique de « copies » de parfums ! Ils nous ont bien baladés, une véritable arnaque, mais Didier et Christian se laissent faire gentiment, pas vraiment dupes...
J’en profiterai pour me faire couper les cheveux chez un barbier, un monsieur très « classe » qui me prend en charge et laisse partir ses employés : nous sommes le jour de la rupture du jeûne de ramadan ; je l’en remercie.

Enfin, c'est l'embarquement pour Hervé et moi, au port de la Goulette. Nous passons plusieurs heures à la douane, avec beaucoup de paperasse et d'allers et retours entre les bureaux. Enfin embarqués sur le « Liberté », c'est le retour.



Nous rencontrons une mer démontée avec un vent de force 10.

À Marseille, nous avons la surprise de trouver la neige dès la sortie de la ville. Hervé remonte en moto sur Mâcon. Il capitulera à Montélimar. ? Didier me récupère avec la voiture et la remorque où nous chargeons les trois motos ?

En arrivant à la maison, je trouve à l’entrée un bonhomme de neige, avec une touchante pancarte « salut papa »...« Home, sweet home ».


Epilogue

Finalement, pour un premier voyage en autonomie, le bilan est mi-figue, mi-raisin. Si globalement, nous avons vu beaucoup de choses, et eu quelques bons moments de raid tout-terrain, je me rends compte, avec le recul, que ce voyage fut mal préparé .

Autant les motos l’étaient correctement, autant le parcours et les hommes ne l’ont pas été.

J’espérais aller plus loin en autonomie dans le désert, mais mes camarades n’ étaient pas du tout prêts à tenter l’aventure. J’espérais les amener à apprécier l’absence d’un « organisateur » : ce fut durablement raté !

Voilà un point que nous aurions dû débattre tous ensemble avant le départ ; mais je ne savais trop non plus ce qui m’attendait sur le terrain, à l’époque: j’étais seul à porter la responsabilité de ce voyage sur mes épaules.

Nous avons cruellement manqué de ravitaillement en nourriture et en essence, et même parfois en eau. Je savais par exemple (guide bleu) que l’on pouvait trouver de l’essence au poste de Tiaret, tout au sud, mais encore fallait-il que nous ayons à manger...et l’ autorisation de l’atteindre. Il aurait fallu prévoir, avant le départ ou sur place (temps d’attente?) les autorisations de circuler dans la zone sud, délivrables par les militaires via les gouvernorats de Kebili ou de TaTataouine...

Quant au parcours, nous manquions à l’époque de moyens : si le GPS apportait une grande sécurité avec un positionnement précis, les cartes disponibles ne suivaient pas. Nous ne disposions que de cartes au 1/1,000,000e: les IGN de la fin de l'époque coloniale, les plus récentes Michelin et Kümmerly+Frey, et même une carte de l'office de tourisme tunisien ! Tout était bon pour dénicher des pistes à l'écart des routes bitumées. Celles à l’échelle 1/200,000e existaient déjà, mais restaient réservées aux militaires et aux géologues. Les guides-papiers étaient peu précis, plutôt de l’ordre du road-book, et décrivaient succintement les itinéraires: nous étions partis avec le fameux « guide bleu du Sahara », une référence à l’époque. Édité par Hachette, ce guide très complet abordait tous les aspects du raid, techniques, humains, géographiques...et couvrait tout le Sahara jusqu’aù Sahel. Il était remarquable du point de vue culturel.


Balade dans le Grand Erg Oriental - 1998

où l'on rêve parfois de lieux au nom évocateur...

Onze heures du matin , une quarantaine de kilomètres au sud d'el Faouar...
Le soleil blanchit le paysage, à la limite du supportable . Les chutes se font plus fréquentes , on ne distingue plus le relief. Je viens de caler pour la énième fois dans une succession de petites dunes; le démarreur reste muet. Une bouffée d'angoisse m'envahit. Je commence à regretter d'être parti sur cette moto sans kick...
On sort les outils et le matériel de bricolage, prêts à tout pour ne pas abandonner la moto ici, impossible à déplacer avec ces kilomètres carrés de sable mou alentour. À tout hasard, je souffle plusieurs fois dans les contacts. Essai...Miracle, ça fonctionne !
Didier propose qu'on s'arrête pour la pause de midi sous un de ces maigres buissons d'acacias. J'accepte avec joie. Nous avons aperçu des nomades à la halte de midi avec leurs chameaux. Nous sommes à quelques centaines de mètres, mais aucun des deux groupes ne bouge, trop écrasés par la chaleur. La conscience de leur présence rassurante nous suffit...
C'est notre deuxième jour de route depuis Douz et son animation, et nous sommes dans un autre monde...

Première incursion dans le Nefzaoua

Cette fois, les camarades de jeu habituels n'étant pas tentés par l'aventure, nous avons décidé de partir à deux, mon frère Didier et moi, pour une exploration plus en profondeur du sud tunisien. Le "grand départ", comme toujours, avait été mouvementé : vendredi après le boulot, je réunis en hâte mes affaires, finis le chargement des motos et du matériel, et file chez Didier près de Marseille.
Samedi matin, c'est l'embarquement sur le Ferry puis l'appareillage ! La mer est belle, et on oublie rapidement son petit quotidien: l'arrivée en Tunisie est pour demain, d'ici là, dodo, farniente, bouffe, dodo..., bref, les vacances commencent.
On croise quelques habitués des raids qui partent seuls, ou en groupes plus ou moins importants. Des informations circulent, des tuyaux, des anecdotes... sympathique routine. Cette année nous donnons dans la croisière: cabine pour deux, dîner au restaurant avec serveurs, convives à qui l'on fait la conversation. Le soir nous délaissons la piste de danse. On en profite pour examiner un peu les cartes malgré «un vieux fond de mal de mer»: la fatigue qui remonte sans doute.
Dimanche matin c'est l'habituel pensum de l'attente à la douane Tunisienne, où nous évitons de peu la tuile grâce à la compréhension d'un lieutenant des douanes qui finit par accepter de nous laisser passer, malgré un papier manquant pour la voiture, réapparu « par miracle » quelque temps après ! Première manifestation de la gentillesse Tunisienne.

La suite, c'est sept heures de route non-stop jusqu'au camping des italiens, le «Desert club» de Douz: une «purge», mais qui nous permet de profiter d'un bon repas familial italien le soir même: les propriétaires italiens, âgés, sont encore présents cette année-là et nous accueillent en robe de chambre ! Viva italia !
Nous sortons les deux motos en pièces détachées de la voiture, sous les yeux éberlués de trois motards allemands qui campent à côté. Une heure plus tard, elles ont repris un aspect à peu près normal, et nous allons dormir.

Lundi 14, 10 heures, nous sommes fin prêts .
Nous discutons avec un groupe d'italiens qui sortent du désert, un peu abattus : ils ont buté sur de grosses difficultés et nous apprenons la mort d'un motard de leurs compatriotes la semaine précédente. Ils nous enjoignent gentiment d'être prudents: ça va, on avait compris...
Après un détour par le poste d'essence, j'arrête près d'une épicerie pour les dernières courses : dattes, sucre, sel, et sous les yeux interloqués de Didier, 4 kgs de farine ! "tu comprendras " : paquets bien encombrants que l'on case ou l'on peut .
Nous cherchons un vieux marabout dans la palmeraie : il pourrait nous servir de point de repère pour étalonner les coordonnées géographiques des cartes soviétiques avec nos GPS . Rien . Tant pis , on s'en passera: plein sud !
Le soleil est déjà haut et nous attaquons les premières dunes, aveuglantes de blancheur .

Une végétation clairsemée leur succède, avec un maigre bouquet de palmiers de temps à autre.
Nous faisons une pause-dattes arrosée d'un honnête coup d'eau : quinze kms et on crève déjà de soif : les "téméraires sahariens" se font déjà plus modestes.

Il faut avouer que malgré tous nos efforts de préparation les motos s'avèrent assez lourdes à piloter
Ca et là des vestiges de présence humaine : vers Aïn mansour nous trouvons puits et "sources" (?) à sec et une maison en banco, en ruine.

Elle abrite deux grosses jarres enterrées pour conserver l'eau, comme des dolias romaines. Des nomades parcourent encore la région, avec chèvres, moutons, chevaux ou ânes. Leur moyen de transport favori est ici la charrette, qui passe presque partout.
Les cordons de dunes succèdent aux cordons de dunes, plus ou moins élevés et pentus, plus ou moins espacés, plus ou moins mous.

De temps en temps , nous chutons, en essayant de ne pas rester sous la moto: si loin de tout, à deux, la blessure grave est absolument interdite. Il faut sans cesse se concentrer, économiser ses forces en pilotant le plus proprement possible: tout ensablement est immédiatement sanctionné par une séance de poussette épuisante, qui de plus n'arrange pas la mécanique.

Au soir nous cherchons en vain un puits et une oglat mentionnés sur les cartes: ce n'est guère rassurant pour la suite, car nous comptions nous réapprovisionner en eau tout au long de notre progression vers le sud. Je commence à me demander si les cartes soviétiques utilisent une référence géodésique proche du WGS84 de mon GPS: nous aurions vraiment dû faire cette mesure AVANT de partir: toute faiblesse se paye toujours, surtout ici. Tant pis, ce soir nous bivouaquons dans un oued magnifique, avec du bois à profusion.

Nous mangeons chaud et la kessera, la galette de pain cuit dans le sable, a un goût merveilleux : Didier est épaté.
Tiens, qu'est-ce que ce grondement lointain ? on dirait ...un véhicule ? Ca semble provenir de nos traces de cet après-midi . Tout en préparant le repas et le bivouac, nous tendons l'oreille . C'est de plus en plus proche et précis : un ou même plusieurs véhicules, qui viennent dans notre direction avec de puissants moteurs réductés : des camions ? l'armée ?

Ils doivent s'amuser s'ils suivent nos traces : par moments nous "tirions" tout droit perpendiculairement aux vagues de sable !
Le bruit est de plus en plus fort et devient carrément impressionnant dans cette solitude : on dirait une véritable colonne motorisée : le fantôme de l'Africa korps ou du Long range desert group ?!
Un moment après, une vingtaine de 4x4 débouchent dans l'oued et viennent droit sur nous : le toy' de tête s'arrête à notre hauteur, quasiment au milieu de notre campement ! Son chauffeur, chèche sur la tête, nous apostrophe impoliment en nous demandant si nous savons où nous sommes et ce que nous f.....s là : on lui répond laconiquement que oui ...et il finit par baisser le ton; il nous demande si nous avons des gps et si tout va bien: je lui indique le nom du lieu et qu'il ne s'inquiète pas pour nous. Il finit par redémarrer et emmène son groupe camper un peu plus loin. Tous ses suiveurs lui emboîtent le pas, et nous devons subir le défilement de ce troupeau à quelques mètres de notre feu...Quelle est la raison de ce comportement ? Ces professionnels Tunisiens du raid doivent voir toutes sortes de gars plus ou moins bien préparés, et puis il y a eu quatre morts la dernière quinzaine, et enfin on leur enlève un peu de boulot à ces guides, avec nos cartes et nos gps...ou bien le bougre est peut-être un peu agacé par notre trace "tout-droit" qui lui a donné bien des soucis à suivre !
C'est le problème des guides locaux: aucun ne sera jamais capable de nous guider en moto, sans le "fil à la patte" d'un 4x4. C'est un peu dommage, mais tant pis.

Sans eau dans le sud de Douz

Bir ech choueïa, le puits-fantôme !

Mardi, dix heures.

Nous roulons depuis une demi-heure et il fait déjà très chaud. Nous sommes partis trop tard ce matin, sans doute la fatigue... Le sable est amoncelé en zones de vagues courtes et désordonnées, parfois très molles, séparées par des portions de plaines sableuses boisées d'arbustes (acacias, genévriers ...) , comme dans tout le Nefzaoua.

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Nous débouchons sur une vaste dépression au fond parfaitement plat : le Chott el melah. Il y a de nombreuses traces de motos et de 4x4 : le rallye de Tunisie doit être passé ici la semaine dernière.
Nous nous lançons dans la traversée de sa partie sud: soudain, je voit Didier s'agiter sur sa moto qui ralentit; j'entends le régime de son moteur qui s'emballe. J'ai compris: gaz ! Nous évitons une zone foncée par la droite: c'est de la boue molle! On parvient à fond de seconde sur l'autre berge: ouf.

Plus loin, dans un petit erg, nous sommes hélés par deux nomades sur des charrettes attelées: les lascars passent les obstacles avec maestria, nos engins "puissants" et lourds font un peu ridicules, en comparaison . Ils sont sabrias, parlent un peu français, et viennent voir si nous avons des cigarettes: zut, j'ai encore oublié d'en emporter pour ces occasions. C'est toujours agréable d'avoir quelque chose à échanger, et puis c'est un peu la coutume dans les coins inhospitaliers.

Après l'incident du démarreur hors-service, nous poursuivons la lente progression de cordons en cordons de dunes. Nous débouchons dans un vaste "pâturage" (au goût local): deux tentes nomades sont dressées et il y a là toute une famille avec femmes et enfants qui restent prudemment à l'écart: ce sont les hommes qui assurent le contact avec le voyageur de passage. Le plus vieux nous explique que nous sommes à Bir bazli. Personne ne parle français.
Leur puits n'est pas mentionné sur les cartes: ils nous indiquent la direction d'ou nous venons derrière les dunes; encore un que nous n'avons pas vu! Un petit garçon qui doit avoir quatre ou cinq ans a le crâne rasé, sauf une mèche sur le sommet, comme souvent les petits nomades musulmans; quelle rude vie: pas d'école, pas ou peu de camarades, pas de jouets, et les chèvres à garder dès qu'on on en est capable, sous un soleil de plomb...

Abdallah, le barman du camping, nous expliquera que ce sont des tribus algériennes qui nomadisent sur ces territoires (les Rebaiya). Nous apprendrons également beaucoup de choses sur la toponymie variée de la région. La précision des appellations dépasse largement les termes connus de reg, erg, djebel ou bir. Elles sont souvent très évocatrices pour un locuteur des dialectes locaux, mélange de langues berbères et arabes.
Ces moments au bar d'Abdallah sont un vrai régal: c'est un garçon très doux et très posé, et il n'est pas avare de ses explications, paraît heureux de voir des voyageurs s'intéresser à sa région. Nos conversations seront malheureusement polluées par la présence d'un pochard local qui nous apostrophe avec agressivité: il a beaucoup fréquenté les touristes, "il connaît cyril Neveu" (ça ne lui a pas réussi ;-), bref un emmerdeur, un de ces pseudo-guides sahariens qui a tout vu, tout fait, tout connu...Il ne lui reste que l'alcool pour oublier tout ça: nous planterons là le fâcheux pour aller dîner !

Allez, en route, ce soir il faut être à Bir choueïa, un "puits important" porté sur la carte soviétique. Nous passons un cordons de dunes bien escarpées et assez molles. Le ciel est plombé, l'air oppressant, une drôle de lumière blafarde éclaire un paysage en camaïeu de gris : pas la joie.

Ca y est, une plaine arbustive apparaît derrière les dernières dunes: les gps sont calés sur les coordonnées du puits relevées sur la carte. Huit cent mètres, cinq cents, cent cinquante. Biiip ! Nous serions dessus, encore dans les dunes...C'est bizarre. Ou bien le gps se plante, ou alors c'est la carte; ou encore le puits s'est ensablé depuis la date d'impression de la carte: « Voyons ? 1979 ! aïe, c'est peut être ça ».

Nous traversons toute la plaine parallèlement et au ralenti, dans un sens, puis dans l'autre : il faut se rendre à l'évidence, il n'y a pas de puits . Pas de trace d'animaux non plus, pas de campement, rien que la solitude autour de nous. Notre moral en prend un bon coup . En plus un petit vent aigre s'est levé au coucher du soleil. Comme tous les soirs, notre esprit est occupé par les préparatifs du bivouac, mais le coeur n'y est pas.
Nous sommes à cent sept kilomètres de Douz et à vingt cinq de la frontière algérienne, il nous reste quatre litres et demi d'eau chacun soit la consommation de deux jours maximum et en ayant soif, et largement assez d'essence et de nourriture ; la situation est simple, il faut rebrousser chemin ! Tant pis pour le sud et les grandes dunes.
Il fait beau ce mercredi. Nous remontons la plaine de Bir choueïa plein nord, en suivant les indications du gps calé sur la trace indiquée par la carte soviétique. Mon coéquipier mène le train. Soudain une odeur de chèvre frappe mes narines ! il y a sûrement des nomades; je rattrape Didier et nous les repérons: deux hommes, des chiens et un grand troupeau de moutons et de chèvres. « Salam aleikoum ! »

Leurs coutumes s'adaptent au monde moderne: ils stockent leur eau dans des guerbas en "peau de camion": de grosses chambres à air, nouées serré aux extrémités avec des bouts de bois et de ficelle. Nous leur demandons où se trouve l'eau: le plus jeune nous en donne, pensant que nous en étions à cours et assoiffés. Elle est claire et limpide et a un goût à peine salé: ils la puisent à un puits, « par là »...
La vie nous parait plus souriante déjà, avec cinq litres d'eau de plus. Nous sommes invités à prendre le thé, le chibani nous offre du lait de chèvre coupé d'eau: c'est drôlement rafraîchissant. Nous leur offrons deux kilos de farine et des barres céréalières: le vieux apprécie. Il semble "se traîner" une vilaine sinusite. Je lui propose des antibiotiques retrouvés dans mon barda, et tente de lui expliquer comment les prendre, avec les quelques mots d'arabe que je connaît: eh bien cela n'est pas très évident! Le jeune vient à sa rescousse et ils finissent par me comprendre. Leur famille campe à Bir bazli: ce sont ceux d'hier après-midi ! Nous reprenons la route, vers le nord; la redescente au sud serait trop aléatoire, car il y a encore moins de puits mentionnés sur les cartes...et nous ne les trouvons pas ! Même le puits indiqué par les nomades est introuvable! Il aurait fallu qu'il nous y amène!

Au long de nos pérégrinations sahariennes, nous avons fini par comprendre que les cartes ne sont pas fiables concernant les puits, imprécises, obsolètes, hormis pour quelques puits historiques importants toujours en eau, dont l'emplacement n'a pas changé, soit exactement au même endroit, soit recreusé à quelques mètres...dizaines, ou ...centaines de mètres ! Mais son nom générique est souvent toujours le même et les nomades savent le retrouver.

Nous avons repéré un site appelé Aouïnet djaber sur la carte ; nous y jetterons un coup d'oeil en passant. Parvenus à proximité, un beau bouquet de palmiers isolé accroche notre regard un peu à l'ouest de notre route: « Allons voir! » C'est une mini-palmeraie au fond d'une dépression ne dépassant pas quatre vingt mètres de diamètre, bordée d'un talus circulaire. Elle semble passablement abandonnée. Je m'approche d'un bassin en ciment.

La source artésienne de bir aouïne

« Didier, un bassin d'eau fraîche ! »
Il croit à une blague de mauvais goût; je balance une belle giclée à l'extérieur: il est rempli d' eau à ras bord ! Il nous faut moins de deux minutes pour nous retrouver dans l'eau glacée.
« Oh là, un bruit de moteur !» Nous fusons à l'extérieur, juste le temps d'enfiler pantalon et savates, un 4x4 surgit et nous passe devant le nez sans s'arrêter, avec juste un petit salut de la main : des "locaux" très affairés .
Nous dressons le camp en bordure des jardins .
Une exploration nous suggère que la palmeraie est ancienne; peut être un de ces bouquets de palmiers (zira) regroupés autour d’une petite source artésienne, typiques de cette région ?

D'après la carte, cet endroit s'appelle Aïn Bou Rdaf, ce qui signifie grosso modo "la source du père Rdaf"; nous trouvons d'anciens puits à balanciers dont le fond est à sec, et une pompe à moteur a pris le relais. De plus j'ai trouvé quelques objets, probablement pré-historiques, dans les gravats du rebord extérieur de la palmeraie: une pointe de lance biface et quelques éclats de taille. Enfin le cimetière, sur le rebord extérieur, contient des tombes anciennes, abandonnées.

Mais elle est encore vivante: les jardinets sous les palmiers sont exploités; une sorte de luzerne, des carottes minuscules, dans un état de semi-abandon; c'est pauvre.
A la tombée de la nuit, nous réalisons qu'il y a un campement deux cent mètres au nord! Nous nous sommes baignés dans leur citerne! (mais savonnés à l'extérieur: ouf !) Ils nous apprendront le lendemain qu'ils font partie des quelques familles nomades de la région à qui appartient la palmeraie; ils ont un "pied à terre" à Sabria, pour la scolarisation des enfants notamment. La nuit sera peuplée des cris des chiens, des ânes, des coqs...Le matin toute la famille vient nous rendre visite, et la gent féminine n'est pas la moins délurée. Tout notre équipement est passé en revue, essayé, avec force commentaires!
Cette abondance d'eau nous a fait voir les choses sous un autre jour. Nous décidons de changer nos plans: puisque nous avons reconstitué nos réserves d'eau et qu'il nous reste suffisamment d'essence et de nourriture, il est inutile de rentrer à Douz. Et puis il faut bien reconnaître que ces quelques heures de "farniente" nous ont fait beaucoup de bien au moral comme au physique.

Jeudi, nous décollons sous un beau soleil: cap à l'est vers le Djebil et Ksar Rhilane, ça devrait nous faire une belle traversée en hors piste.
Aouïnet Djaber s'avère moribonde: les rares palmiers encore vivants sont chétifs et la palmeraie est complètement ensablée; quelle tristesse. Nous avons eu du nez de passer par Aïn bou rdaf en premier.
Plus loin nous recouperons notre bivouac de lundi soir : c'est la confirmation de la précision de notre navigation.

En milieu de matinée, les motos se mettent à ratatouiller : les filtres à air sont littéralement pleins de sable. C'est la séance d'entretien imposée en plein bled, sous un cagnard d'enfer. Bien fait, nous l'avions sautée depuis deux soirs !

Vers quinze heures, nous débouchons dans une immense plaine plaine, où trône à distance un poste (militaire ?): ils doivent s'ennuyer ferme. Au loin, les collines du Djebil.

Nous finirons par trouver une piste qui le traverse de part en part d'ouest en est, puis une autre qui le contourne par le sud. C'est un supplice d'ornières sableuses, que nous quittons bien vite pour tirer plein est vers Ksar Rhilane.

Ici les dunes sont fauves, parsemées de touffes de végétation qui abritent toute une faune : dans cette région nous débusquerons des lièvres, un chacal, des fennecs . Dragesco signale même la présence probable dans les parages de la très rare gazelle blanche, la gazelle Rhim. Le bivouac est légèrement venté. Nous avalons bien vite nos rations lyophilisées. Après la cérémonie du thé, nous gagnons avec volupté nos duvets. La nuit sera fraîche et ponctuée de cris d'animaux sauvages.

Nous arrivons sur Ksar Rhilane plein ouest, en fin de matinée. Un touriste allemand très liant, voyageant en 4x4 avec sa femme, nous avait fait part de son expérience à Douz: il nous apprit entre autres informations qu'un poste à essence et un hôtel restaurant s'étaient montés au sud est de la palmeraie. Nous y allons directement pour vérifier l' incroyable: deux bières fraîches pour commencer et un plat de pâtes bien épicées à la tunisienne; quel pied, la civilisation !
La salle du restaurant baigne dans une ombre fraîche. Un seul petit groupe de personnes occupe une table à l'écart: un guide accompagne deux adultes âgés et deux jeunes hommes. Le plus jeune se lève et vient nous rejoindre. « J'ai vu vos motos: c'est super. J'aimerais en faire autant, vous devez vous régaler! Où êtes vous allés, utilisez-vous des GPS, etc etc...» Il est causant, sympathique et très intéressé par notre manière de voyager. Je me rends compte que son père parle parfaitement l'arabe avec le guide, et les jeunes ont l'accent parisien: ce doit être une famille sépharade tunisienne, ce qu'il me confirme volontiers ! Il apprend d'ailleurs à parler et à écrire l'arabe: il a raison, autant profiter des opportunités familiales et ne pas laisser se perdre une telle richesse. En partant, je lui demande de donner de nos nouvelles à Isabelle, ce qu'il fera.

Après ce repas nous allons planter la tente, cachée dans un coin de la palmeraie, près du canal d'eau d'irriguation. C'est ce moment là que je choisis pour me planter une pointe de palme dans le tendon d'un doigt! Le morceau de bois se déplace spectaculairement sous la peau en la soulevant, et c'est très douloureux: catastrophe, la balade est finie...Je fais le tour de la « piscine » naturelle pour trouver un médecin: une jolie italienne en maillot, un peu irréelle ici mais pas désagréable à regarder, puis une française moins agréable et tout aussi irréelle qui se la joue baroudeuse, sont unanimes pour me dissuader de l'enlever. Merci quand même. Ce sera « antibiotiques et anti-inflammatoires », et un bon pansement. Ca ne sera pas commode pour tenir le guidon...

La nuit venue, nous oublions les soucis, allongés dans le canal au fond tapissé de boue fine et douce ; l'air fraîchit, nous sommes fourbus : difficile d'en sortir .

Le lendemain nous décidons de tenter une piste roulante, pour tester le bonhomme et sa fichue main. Direction Bir Aouïne par la "piste intérieure" qui évite le poste de Kammour : ah oui, j'oubliais, nous n'avons pas l'autorisation militaire ...
J'en bave un peu, mais la main n'enfle pas trop : pour l'instant ça peut aller.

La ligne de dunes à l'ouest est interminable, et nous la longeons jusqu'au seul passage praticable au sud, le nez de l'erg (R'cham). Nous entrons dans cet immense cirque chaotique et brûlé, ponctué de collines tabulaires.

Il nous faut trouver la source de Guelb el Ahmar: sur la carte c'est une jolie goutte dessinée sur le versant sud d'une colline. Vers quinze heures nous avons trouvé la colline, nous déjeunons même à son sommet avec une vue circulaire sur au moins vingt kilomètres. Mais nous n'avons pas trouvé la source.

Et soudain, eurêka ! En bas, dans la plaine caillouteuse, mais vers le nord, brille un mince filet argenté, bordé de troupeaux et leurs bergers. Ce doit être ça.

Parvenus à proximité, nous découvrons un forage artésien qui débite en permanence une énorme quantité d'eau. Elle se perd ensuite pour rien dans les sables, sans avoir abreuvé la moindre végétation: quel gâchis! Pas étonnant que les puits traditionnels, et à fortiori les sources, soient taris.
Mais son contact est toujours aussi magique. Elle est un peu salée et soufrée, comme à Ksar Rhilane. En tout cas nous la trouvons tout à fait consommable.

Au loin dans la plaine immense, une montagne noire en forme de chameau; au pied se trouve Bir Aouïne.

L'erg, mer immense, est tout proche, et ses dernières vagues forment une muraille de près de cent mètres de haut, dominée par une dune plus haute que les autres, Zemlet el borma.

Le puits se trouve au pied du poste militaire, à sec. Nous leur montrons nos papiers et discutons des chances de l'équipe de Tunisie à la coupe du monde de football. Un peu sur-réaliste en ce lieu désolé, mais tellement humain. Ah, un détail, ils ont une télé couleur: pas cons dans l'armée tunisienne!

Nous déposons nos bagages au pied de la grande dune, et une frénésie nous saisit: nous en tentons l'escalade avec les motos ainsi allégées! Après un ou deux sauts plus ou moins volontaires, trois ou quatre franchissements de murs de sable bien mou et de cuvettes profondes, et autant de plantages, nous arrêtons les bêtises, inutile de se blesser. Nous campons au pied de la grande dune: c'est magnifique.

La découverte de la grande plaine intérieure de l'erg

La grasse matinée terminée, nous enfilons le short et les baskets, prenons un en-cas, le matériel de nav' et en route pour le sommet de Zemlet el borma. Nous y serons quand même montés à pied. L'air est pur ce matin et la vue est magnifique. Nous apercevons presque toute la barrière circulaire de dunes qui borde ce cirque.

Nous scrutons la "passe" qui mène vers le nord. Des véhicules y ont laissé des traces : un motard tout-terrain a du mal à imaginer qu'un engin de plusieurs tonnes puisse franchir ce genre de difficulté: quelle dextérité. Les militaires voient également de temps en temps une caravane de marcheurs européens avec des chameaux. Je pense aux raids organisés par nomades ou Terre d'aventures: il y en a un qui vient à bir Aouïne et Guelb el Ahmar ("le coeur d'Ahmar"?).

Bilan de notre réflexion: c'est du sable à perte de vue, dix fois ce qu'on a déjà fait, sans interruption, sans eau ni présence humaine sûre; mon doigt me fait mal, nous avons cassé un levier d'embrayage, et la décision tombe: nous essayerons une autre fois, "mektoub" !
Nous profitons de notre situation éminente pour repérer un à un les rares reliefs qui émergent de cette mer de sable, grâce à leur relèvement et à leur distance. Ils ne sont pas très loin...

Parvenus au «camp de base», j'attaque une séance de bricolage sur la moto: les sacoches arrière ont souffert. La toile s'est déchirée dans les épineux, une sangle est à moitié coupée, tout a pris du jeu, mais le fond en plastique souple tient toujours. Didier, qui avait choisi une certaine rigidité, avec un support en contre-plaqué, n'a plus de sacoche bâbord depuis belle lurette ! Le bois a explosé, et la toile pendouille piteusement, menaçant de se prendre dans le pneu, la chaîne, ou Murphy sait quoi... (connaissez-vous la loi de Murphy ou encore loi de l'emmerdement maximum ? bien connue des "voileux" également...)
Quant à la tribord, elle ne vaut guère mieux, il ne peut la charger à fond, la planche est fendue. Heureusement, le tout reposait sur un solide porte-bagages en tubes qui résiste bien au report partiel de la charge sur son sommet.

Il est tard, il faut se bouger: allons voir si l'on peut couper le mince cordon de dunes au nord-est de ce cirque: il nous sépare de la grande plaine sombre à l'est. Une marche de reconnaissance nous y fait renoncer: trop abrupt, du moins pour notre humeur du moment ! Le sable est carrément humide par endroits et forme des sortes de croûtes.

De magnifiques Tamaris poussent sur la pente, et leur tronc peut atteindre trente centimètres de diamètre; il doit y avoir de l'eau dans le sous-sol.

Nous grimpons ensuite au sommet du guelb Saad Allah, colline tabulaire constituée de cette roche composite bigarée, comme ses soeurs qui parsèment la plaine. Nous y trouvons un curieux ex-voto discrètement coincé dans un petite fente: des cheveux, un bout de tissu rouge...Il semble subsister quelques pratiques animistes chez les nomades du coin.

Nous contournons à nouveau le nez de l'erg par la passe sud, puis c'est la remontée en longeant son versant est, assez abrupt.
Le soir, nous bivouaquons dans le fond d'une mini sebkha, très boisée. Pas d'eau (je ne saurais pas ce que signifie le terme « tsmed » porté sur les cartes).
Des marcheurs européens décampent à notre arrivée, pourtant discrète. La mise en route des chameaux vaut son pesant de cacahuètes: à la nuit tombée ils seront tout de même parvenus au sommet du col. Enfin seuls, bon vent !
Hein ? qu'est ce que c'est ? Nous sommes réveillés par un bruit de moteur qui se rapproche, qui s'éloigne. Ça semble venir du nord. Soudain un coup de feu. Nous ne sommes pas rassurés. Au bout d'un moment le véhicule semble être en difficulté. Le moteur s'arrête. Je crois que j'ai compris: ce doit être un chasseur au phare, vieille méthode de chasse, peu glorieuse ni réglementaire, mais efficace.
Nous le saluerons dans la matinée du lendemain à côté de sa 504 (!): à ne pas racheter d'occasion...

Nous explorons le bord de l'erg à la recherche d'éventuelles passes vers l'ouest. Peu engageantes pour des véhicules, bien qu'elles portent le nom de "portes" (bab, bibane).

De retour à Ksar Rhilane, je convaincs Didier de nous offrir le camping "Khantour", sous la tente bédouine : on se sent un peu "touristes", mais c'est l'occasion de se décrasser, de "glander" et boire une bonne bière fraîche.
Nous nous croyions seuls, mais au bout d'une demi heure, la fournée du jour arrive: un groupe du troisième âge, puis plusieurs classes vertes de petits français: ils ont bien de la chance de passer leurs vacances scolaires dans un endroit aussi dépaysant. Leurs avis sont mitigés. Le temps décantera tout et seuls émergeront les bons souvenirs. Quelques garçons viennent nous voir et nous bombardent de questions. Les motos les attirent comme le miel pour des oursons.
Le soir, dîner de chorba, nouilles tunisiennes et brochettes. Mais il faut discuter ferme pour ne pas se faire "estamper" à tout bout de champ, surtout que nous ne sommes pas intégrés à un circuit organisé. Un guide nous engueule presque de payer si cher les bières: bien d'accord, mais bon, Ksar Rhilane est loin de tout, et puis on peut se le permettre de temps en temps. Mais on se refuse à acheter l'eau, et on demande de l'eau de la source: le serveur, dépité, nous apporte avec condescendance une casserole d'eau salée exprès, ce gros c..! Nous buvons sans broncher: nous sommes habitués maintenant!

Mardi 21.
Nous quittons la palmeraie pour explorer la région à l'est. Les cartes ne sont pas très lisibles. Une plaine d'herbe à chameaux succède à une passe sableuse. Des bergers gardent des troupeaux de chèvres. Puis une masse de dunes basses se apparaît. Une "entrée" se présente, avec de vagues traces de véhicules. On progresse alors de vallons en vallons, avec un semblanr de col à passer à chaque extrêmité.
Le temps change et devient oppressant: toujours cette lumière laiteuse et jaunâtre, et la chaleur qui revient.

Nous débouchons enfin dans une plaine gravelée parsemée de gara, les collines tabulaires: c'est ce que nous cherchions. Ici commence une vaste plaine dépourvue de sable qui nous permet de progresser rapidement vers le sud.
Les deux cordons de dunes qui nous enserrent à l'est et à l'ouest se resserrent progressivement: la carte indique une passe étroite. Les points rentrés dans nos gps, nous progressons et trouvons effectivement une passe sur le terrain! Ca fait rudement plaisir, et sans guides.

La journée tire à sa fin, nous sommes épuisés par notre lente progression dans une succession de dunettes cassantes parfois séparées par de petits couloirs plats. De temps en temps, un relief domine le tout, vaisseau rocheux émergeant de la mer de sable. Il y a longtemps que l' on n'a vu âme qui vive. Mon moral est à nouveau en berne: je me demande si les conditions météorologiques particulières ne l'influencent pas.

A un col, nous nous trouvons tout proches du Dekanis el Kebir ("grande montagne noire"), un de nos buts, qui semble à notre portée...
Le soleil baisse sur l'horizon et nous nous demandons s'il est sage de continuer à s'enfoncer plein ouest. De plus, nous ne savons pas combien de temps la remontée vers le nord et le franchissement de la grande barrière dunaire dureront: il nous faut être à Douz jeudi soir.

Un sentiment d'angoisse sourde m'étreint: je pense aux miens restés à la maison, à leur propre angoisse.
Didier ne dis rien: il doit comprendre ce moment de solitude. C'est un bon compagnon, c'est mon frère.
Tant pis, la décision est prise, demi tour; nous rejoignons nos traces de l'après-midi.

Au bout d'un moment, Didier disparaît de mon sillage. Je refais le chemin inverse et le trouve à côté de sa moto béquillée, des bagages et un bidon d' eau éclaté sur le sol. Une gamelle sévère! Bon, je crois qu'il vaut mieux s'arrêter. Nous cherchons sommairement un endroit pour bivouaquer.
Le ciel est franchement couvert maintenant, il y a des nuages bas et la lumière est très faible. Pendant la nuit, des orages éclatent et la pluie se met à tomber dru, en plein désert!

Le matin il pleuvine encore, et le sable orange vif, la lumière matinale et le ciel sombre composent une ambiance spéciale. Didier, qui a perdu sa veste-moto dès le deuxième jour (toujours ce satané Murphy !), se confectionne un vêtement de pluie avec un sac plastique de grand magasin: c'est très seyant! Un puits est marqué sur la carte, Hassi guedir; hier, à la "descente", il nous a été impossible de le repérer d'une colline proche.

Nous le cherchons encore une fois, dans un dédale de buttes herbeuses, en suivant des fonds sableux tout en sinuosités, parsemés de traces d'animaux, de crottes en tout genres...mais toujours pas de puits. Pas doués les motards...et justement nous, qui sommes tellement dépendants de l'approvisionnement en eau! La réponse viendra lors d'une autre équipée, deux ans plus tard, par hasard...

Nous croisons des bergers, et c'est encore l'occasion d'en dépanner un souffrant d'une bronchite, transi sous les petites averses. Plus loin, la pluie s'arrête. Parvenus au rebord nord de cette grande plaine intérieure, nous butons sur l'erg. Il faudra bien le traverser. D'après la carte, il n'est pas très large à cet endroit. Nous repérons une "porte" (Bab er Resef): elle se trouve juste au pied d'une éminence de pierre partiellement recouverte par l'erg. Le passage est assez étroit, et débouche rapidement sur la désormais habituelle succession de vallons boisés séparés par des cols dunaires. Nous avons par moments la sensation de surfer sur de grandes vagues. Les montées se font souvent à plein régime, en maintenant une vitesse suffisante, obligeant à rebondir d'un versant à l'autre, à suivre une lèvre de sable étroite, à plonger brutalement au fond d'une cuvette pour en ressortir à fond: ce pilotage est grisant!
Col après col nous progressons jusqu'à la sortie: c'est gagné.
Nous avons découvert seuls ce passage connu des nomades, et nous en sommes contents; nous fêterons ça à la halte de midi sous un petit vent de sable piquant et têtu.
Nous allumons notre dernier feu, pour le thé et la kessera: nous sommes apaisés par la proximité de l'arrivée, et la chaleur et le vent n'y changent rien.

La fin du parcours ne sera qu'une formalité en terrain à peu près connu, malgré le vent qui s'est renforcé et secoue les motos. C'est le retour au camping « Desert club » de Douz.


Épilogue

Tout s'est bien passé, finalement, sans blessure grave ni casse mécanique.
Ce fut un raid très rare (95% de hors-piste), assez dur physiquement et moralement, car nous n'y sommes allés qu'à deux équipiers, un peu tard en saison: en effet, des journées particulièrement chaudes y sont craintes par les nomades, les accidents de deshydratation ne sont pas rares.
Une fois de plus, la réalité n'aura rien eu à voir avec la fiction longuement imaginée avant le départ, pendant les innombrables soirées à étudier les cartes, éplucher les récits de voyages, les guides..., et même tracer des routes, non sans ingénuité ! Rendu sur place, on se trouve confronté à l'inattendu, et il faut improviser, mais la navigation était « au top ». La surprise n'est-elle pas un des attraits du voyage ?


Deux ans plus tard...À la recherche de l'oasis cachée ! - 2000

La lumière est crue et l'air limpide.
Martin et moi gravissons cette dune depuis dix minutes : le sommet est proche. Encore cinq pas, trois , un ...

L'oasis est là, à un ou deux kilomètres, modeste tache sombre et fuselée au pied de la dune suivante. Je crie de joie sous le vent pour faire comprendre à Didier et Joël que nous sommes arrivés à er Reched, cette oasis cachée après laquelle nous courons depuis trois ans. Martin paraît heureux aussi .

Tout a commencé lors d'une de ces soirées d'hiver ou l'on laisse son esprit vagabonder autour d'un document, de souvenirs de lecture... Je feuilletais machinalement les pages "Tunisie" d'un catalogue de trekking, quand je tombe en arrêt sur "Haouïdet er Reched, une source d'eau chaude bien connue des nomades, cachée au milieu des dunes" ! Tiens tiens, qu'est-ce que c'est ?
La réponse a mis près de trois ans à venir ! trois ans de recherches sur des cartes de diverses origines, sur des photos satellites, sur le net... En 98 c'est la première exploration sur le terrain...J'ai même réussi à piquer la curiosité de deux autres afficionados de Sahara ! mais Alain et Patrick s'y cassent les dents l'année suivante.
Je reprends mon catalogue : "nous marcherons ensuite vers le sud-ouest de Dékanis el kébir pour atteindre la source de haouidet er Reched": c'est là qu'il faut chercher ; une première confirmation me parvient quelques jours plus tard sous la forme d'un petit mot d'un visiteur de ces pages ... Il me parle de son voyage en Tunisie et d' "un magnifique lac en plein milieu des dunes ( au sud ouest de Dékanis )" ! c'est sûrement er Reched !
Quelques jours plus tard je repère une petite tache sombre et allongée sur la photo satellite que j'ai recue des usa; tache confirmée sur une autre photo envoyée par patrick : gagné ! ça coïncide exactement avec le point gps communiqué par mon correspondant.
Il faudra aller vérifier ça sur place !

Quatre compagnons à l'assaut de la grande plaine intérieure de l'erg

Mi-Septembre 2000.
Les jours raccourcissent et je me sens comme un oiseau migrateur, des fourmis dans les ailes. Un coup de fil à Didier : il a aussi une "fenêtre" de dix jours ! nous décidons de sauter sur l'occasion .
Rapidement , nous contactons deux camarades de jeux : Joël, habitué des virées tout-terrain et un peu du désert, et Martin , un sympathique allemand rencontré deux fois en Libye, grand amateur de désert de préférence à moto et sans 4x4 d'accompagnement: un solide garçon. Quelques jours plus tard, tout est bouclé, les quatre se sont rapidement décidés et les préparatifs vont bon train.

1er Novembre , 19H30.
Martin arrive d'Allemagne après Douze heures de moto ! pas plus détruit que ça, souriant, heureux d'être là. Nous sommes au complet, c'est la veillée d'armes: tout le monde jubile.

Le lendemain jeudi, c'est l'embarquement sur le Carthage, le joyau de la compagnie Tunisienne de navigation. Il n'y a pas grand'monde, beaucoup d'autochtones qui rentrent au pays, quelques rares 4x4 et encore moins de motards. La mer est remuante et tout le monde est malade : c'est souvent le lot des baroudeurs qui traversent la grande bleue.
Au matin, la vue des côtes Tunisiennes est une joie toujours renouvelée, à plus d'un titre... Cette année, nous battons un record de célérité dans le passage des formalités d'entrée: dix huit minutes ! Nous nous retrouvons illico "de l'autre côté", un peu étourdis par cette nouveauté ! Nous complétons les pleins de carburant et filons plein sud vers Douz que nous touchons au soir.

Samedi 4 Novembre.
Cette première nuit sous les palmiers a été fraîche et étoilée : magnifique ; cette année j'ai décidé de dormir dehors dans mon duvet, et cela s'annonce bien. Les bruits sont dépaysants; muezzins à toutes heures, et bruits champêtres : braiements des ânes, cris de la volaille, aboiements des chiens...
Au matin, préparation des motos, des bagages, quelques courses en ville, les pleins de benzine : c'est toujours aussi impressionnant de piloter ces bécanes de plus de 180 kgs. Les premiers instants sont intimidants, et Joël éprouve quelques affres dans la première piste à la sortie de Douz. Ce sont les premiers ensablements, chutes sans gravité dans les premières dunettes, molles à souhait comme d'habitude en Tunisie.

Nous "jardinons" toute la matinée et je commence à me faire du souci pour la suite du parcours, beaucoup plus délicate. Didier me rassure, « C'est la mise en route ! » Nous visons un point qui nous permettra de rejoindre l'ancienne piste et filer plein sud par Tembaïn. Nous roulons plutôt par deux pour nous aider en cas de problème, mais assez proches les uns des autres de toutes façons.
A un moment, un lièvre fuit devant Didier et Martin, à une trentaine de mètres sur notre gauche: il ne nous a pas vus tout de suite. Les heures passent et nous roulons mieux: est-ce le terrain qui est moins rude ou nous qui nous adaptons ? Nous bivouaquons un peu au nord du Djebil.

La découverte de la source d'er reched

Dimanche 5 Novembre.
La nuit porte conseil, et nous réalisons que nos performances sont inférieures à nos attentes pour l'instant; nous décidons de bifurquer vers un passage connu plus à l'est, que nous pensons plus facile: la passe de bab er resef. On emprunte un moment une piste bien tracée qui conduit à une station pétrolière: c'est l'occasion de refaire de l'eau à des bidons « opportunément » posés devant une petite cahute déserte. A notre départ, un jeune homme ensommeillé sort de la cahute, le temps d'un salut de la main, il doit croire avoir rêvé !

Didier et moi apercevons un joli fennec à une quarantaine de mètres qui s'enfuit rapidement entre deux dunes. Lors d'un arrêt pipi-boisson-dattes, Martin repère une trace de serpent toute fraîche et en forme de cannes parallèles, probablement un céraste, une vipère des sables; il la piste jusqu'à un petit terrier ou elle doit se cacher, après l'attaque d'un petit mammifère, les traces du combat sont assez explicites sur le sable orangé et ferme dû aux dernières pluies. Nous pensons même apercevoir sa tête au ras du sol: non c'est un morceau de bois ou un caillou . Je m'étonne de la présence d'un céraste encore en activité en cette saison: il faudra ouvrir l'oeil.

Un éclat de lumière attire notre attention juste au pied de la passe de bab er Resef : c'est une guelta, point d'eau épisodique dû aux pluies récentes. L'eau est très douce , fraîche, et atteint 80 cms de tirant par endroits : cela vaut un bon bain et une photo témoin !

Le sable de la passe s'avère dur, et elle est avalée en peu de temps: la grande plaine s'ouvre à nous, on aperçoit garet el ketib, petite colline tabulaire, comme la plupart des reliefs rocheux dans cette région. On y trouve de nombreux troupeaux de chèvres accompagnant les bergers et leurs ânes. Concession au modernisme, certains sont équipés de mobylettes qui circulent à peu près partout où nous passons! de quoi rester modestes...
La journée se poursuit sur un rythme très tranquille; un vol de gangas fuse rapidement devant nous dans la lumière pure, poussant leurs cris joyeux.

Attirés par un groupe de quads(!), nous butons littéralement sur le puits de hassi Guédir! Nous l'avions cherché pendant un bon moment il y a deux ans, et manqué d'un kilomètre...Ce puits est probablement plus récent que nos cartes et il aura été creusé un km plus au nord que l'ancien. Avec l'expérience, on se rendra compte que celà arrive souvent, au Sahara... Dans une large dépression, le puits est cimenté et recouvert d'un panneau de métal. Il a plu dans la région, l'eau est à 6 mètres, claire et très douce: excellente, bien meilleure que la plupart des eaux de la région, chaudes, légèrement salées et soufrées, issues de forages profonds.

Nous poursuivons notre route toujours plus sud, toujours plus loin des routes habituelles.
Didier connait un moment de frayeur après avoir constaté que son arbre de sortie de boîte "pissait" l'huile ! Fini pour lui, il va falloir probablement faire demi-tour pour le ramener avec sa moto vers la "civilisation". Avec Martin, ils démontent tout de même le pignon et découvrent que la fuite est dûe au sable qui s'est amassé sur la lèvre du joint spi ! Un simple nettoyage à l'essence remédie au problème: ouf !

Nous dépassons l'avancée de l'erg à zemlet el Bida, puis un nouveau problème mécanique, cette fois sur la moto de Joël, nous contraint à planter le bivouac là ou nous sommes; ce n'est d'ailleurs pas si mal: de jolies dunettes de sable doux et très fin, ménageant entre elles de petits espaces plats et gravillonneux ou pousse un acacia. Idéal.

Lundi 6 Novembre .
Nous devions être à Dékanis el kébir hier soir, notre rythme est lent, plus qu'avec deux motos! à quoi est-ce dû? Une illustration de l'adage "les problèmes pratiques croissent avec le nombre de participants" ?

Nous faisons halte sur une des collines d'Abd el Malek pour appréhender la suite du parcours: cette zone est toujours aussi difficile à franchir, bien qu'elle paraisse bénigne. Un couple de corbeaux bruns nous suit pendant un moment: « Patience, nous sommes encore vivants ! » Vers midi, nous atteignons enfin le bord sud de la plaine centrale: c'est l'instant crucial; il va nous falloir découvrir une passe pour pénétrer cet erg et progresser vers l'« oasis cachée ».

Nous grimpons sur un sommet proche avec cartes, compas et photos satellites, sans oublier le casse-croûte.
La vue est magnifique. Deux rapaces planent au loin dans le vent de sud-ouest.

Après un premier essai au sud-ouest, nous préférons nous engager dans la plus large vallée qui s'ouvre juste en face d'un dernier piton rocheux au sud de la plaine.
Puis c'est la progression vers le sud, corrigée de temps en temps par le franchissement d'un cordon dunaire plus élevé et plus large vers l'ouest, qui permet d'infléchir la trajectoire vers une moyenne sud-ouest.

Le paysage et la nature des dunes rappellent à ceux qui les ont parcourues celles de l'erg Oubari, en Libye: même pentes, entonnoirs, murs de sable de 30 ou 40 m de haut...Les heures passent et nous réalisons que nous n'arriverons pas ce soir, il faut s'arrêter; Joël est déçu et il faut le réconforter; il finit par avouer que lui aussi était fatigué. « Pas grave, tomorrow ! »

Martin nous choisi le lieu du camp: une magnifique corniche plane qui surplombe une de ces plaines sableuses intercalaires, formant avec les cordons dunaires ce vaste réseau maillant si propre à cette région. La soirée est belle, l'air est pur, sans vent, et la lune qui accompagne tout notre voyage se lève bientôt. Une petite souris (une gerbille), puis une gerboise nous rendent visite, sans frayeur, occupées à grappiller leur pitance du jour: quel isolement pour ces petits mammifères. Allez, tout le monde au "lit", notamment les gros mammifères !

Mardi 7 Novembre .
La journée du lendemain commence comme l'après-midi de la veille, par une progression de cuvettes boisées en cuvettes boisées, avec franchissement régulier d'un cordon plus ou moins important, selon qu'on avance vers l'ouest ou vers le sud: c'est fatiguant pour les hommes et les machines, mais grisant ; l'espace ici est plus grand, les repères plus larges. Cela nous change des "trous d'obus" dans les plaines de la veille.

Dans la matinée, nos gps nous indiquent la palmeraie à un kilomètre et demi, juste derrière un gros massif dunaire: selon notre habitude, nous grimpons, Martin et moi, afin de découvrir le panorama, éventuellement l'oasis elle-même, et un passage pour les motos. Au sommet, nous apercevons enfin pour la première fois notre chère "er Reched" !

En redescendant, nous distinguons un méhariste tout en haut du mur dunaire que nous venons de franchir. Il atteint nos deux compagnons avant nous. Quand nous les rejoignons, je suis surpris de voir devant moi un garçon d'environ dix ans, au maintien calme et serein. Il nous apprend que l'oasis est « là derrière », qu'il nous suit avec sa famille depuis la veille et qu'il ont aperçu notre feu la veille au soir. Ils sont étonnés de notre trajet, inhabituel paraît-il, car « la « piste » (?!) passe plus à l'ouest. » Il vient "faire l'eau" pour sa famille restée sous la tente bédouine à quelques kilomètres de là...
C'est "à nous de jouer" : nous franchissons un dernier mur, puis c'est l'arrivée sur l'oasis ; il y a déjà du monde, des marcheurs accompagnés de leurs guides et de chameaux; leurs tentes sont éparpillées au nord du lac...nous filons au sud !

Farniente au lac d'Haouïdet er reched et retour par bab el mesan

Une heure plus tard, nous sommes confortablement installés sous les tamaris qui bordent l'étang d'Haouïdet er Reched.
J'en profite pour recoudre à la ficelle mes sacoches en toile nylon complètement déchiquetées par "l'herbe à chameaux". Deux heures de boulot: patience et lunettes obligatoires ! La conception est à revoir, mais je dois avouer que je ne m'étais pas trop creusé la tête pendant la préparation avant le départ: j'ai simplement réutilisé le vieux matériel de la précédente balade saharienne, déjà bien attaqué par les éléments... Alors je le paye ici, mais bof, il fait beau et nous avons du temps devant nous.

L'après-midi passe lentement, occupée en bricolage, lessive, cuisine, entrecoupée de bains thermaux: la source est délicieusement chaude et légèrement gazeuse et ferrugineuse. Elle émerge à gros bouillons d'un tube d'acier d'une quarantaine de centimètres, vestige d'un forage pétrolier des années soixante qui n'a pas donné d'hydrocarbures.

La nature y gagne au change ! Une petite cane a choisi de faire escale ici, et elle parcourt "son" étang régulièrement avec de petits couacs vifs et bien étranges dans ce désert. Elle porte avec élégance un collier blanc au cou, sur une robe gris-beige.
Des poissons frayent dans les roseaux, et quelques cormorans groupés sur la rive sud en font leurs délices. Des oiseaux volettent tout autour.

De drôles de bipèdes s'approchent avec précautions de notre aire, et nous entamons une discussion : ce sont des parisiens venus à pied avec des chameaux, amenés ici par des guides de "terres d'aventures". La marche leur a paru éprouvante. Je n'ose leur dire que ce qui les attend pour atteindre bir Aouïne au sud me paraît le plus gros morceau de leur trek ! A l'observation des photos satellite, nous avons en tout cas été dissuadés de le tenter en moto .

Un bruit monte des dunes, en direction de l'Algérie: ce sont trois nomades et leurs chameaux qui viennent se ravitailler avec leurs guerbas; des cris, des blatèrements, un chant joyeux vite repris par les deux compagnons à la vue de l'oasis.
Tout à l'heure, le petit ahmar est venu nous voir et observer notre manège. Il finit par nous demander "Mouss ?" : avons-nous un couteau à lui donner ? je comprends ce qu'un couteau a d'important pour un nomade: je lui donne mon petit Laguiole pliant, bonne lame, tiens dans un coin de poche, ça sera parfait pour ce "minot" ! Je le vois qui va l'essayer immédiatement à tailler des branchettes: bon pour le service.
Ca atténue un peu mon regret de me séparer de ce cadeau de la période éclaireur de Yann, mon fils aîné: il sera en de bonnes mains.

La soirée est détendue, nous dégustons de bon appétit l'excellent ragoût de Martin, qui nous éblouit par ses ressources culinaires, le repas est arrosé d'un excellent vin rouge de Mornag, et clos par quelques dattes et le sempiternel thé vert. Une cousine de la gerbille de l'autre jour vient nous narguer entre les jambes, autour des motos, rapide comme l'éclair: celle-là est plus habituée aux touristes. La starlette finira néanmoins, du moins son image, "shootée" à la volée dans mon appareil photo.
Après un dernier bain de nuit, au milieu des guerbas des nomades, remplies, prêtes à être chargées, nous filons nous coucher dans nos chers duvets sous la lune montante et les étoiles.

Mercredi 8 Novembre.
Les trois groupes présents à Haouïdet er Reched se préparent au départ dans le petit matin ; ce sont les marcheurs qui décollent en premier, suivis des bédouins, dont un curieux se détache du groupe pour venir voir nos drôles d'engins, puis décampe vite pour ne pas se faire lâcher par sa petite caravane pourtant lourdement chargée de guerbas gonflées du précieux liquide.
Je prépare un message à l'intention des amis qui passeront certainement ici un jour; je choisis un petit mamelon rocheux caractéristique à peu de distance de la source et enfouit la « bouteille à la mer » dans une petite faille sableuse au sommet, discrètement recouverte par un léger cairn.

Puis c'est le départ et la plongée immédiate dans l'univers brutal du sable mou, les plantages, les premières suées... Nous progressons à peu près plein nord dans une grande succession de "gassis", ou plutôt de ces plaines sableuses et pauci-arborées, mais de manière beaucoup plus aisée qu'à l'aller.

Puis après sept kilomètres, ça se resserre et les franchissements redeviennent aussi délicats. Nous avons dû manquer un épisode du feuilleton et rater le bon passage !

Pourtant, après quelque temps nous débouchons sans crier gare dans la plaine de Dékanis el kébir...juste à l'endroit pressenti en premier pour entrer dans l'erg à l'aller ! C'est la joie, mais nous devons poursuivre et filer vers l'ouest pour trouver tout au fond la passe de bab el Mesan qui permet de déboucher dans l'immense reg qui mène vers le grand sud Tunisien, la Libye et l'Algérie.

C'est à nouveau le pensum de mini dunes d'Abd el Malek, gouiret el hab...ou nous jardinons un peu, bloqués par l'apparition précoce de plus gros massifs dunaires. Une fois de plus, nous réalisons que nous ne "passerons" pas aujourd'hui, il faut s'arrêter; Joël est à nouveau déçu et il faut lui promettre une bonne bière à Ksar Rhilane demain pour le faire sourire !

Nous choisissons pour le bivouac le sommet d'une des gara(=gour) de gouiret el hab, un subtil mélange de rocher et de sable fin. C'est l'heure du thé, du pain cuit dans le sable, nommé ici la mouilah (ou taguella en Algérie, kessera en Mauritanie), et des tartines d'harissa ! Nous feignons de ne pas penser à l'avenir, notamment celui de nos intestins et de leur débouché naturel...le « passage à la douane » risque d'être brûlant !

Jeudi 9 Novembre.
Lever morose ce matin; la fatigue, plus le temps qu'il fait, laiteux ?
Nous cherchons pendant un moment à nous rapprocher du dernier grand cordon dunaire, protégé par des cordons secondaires; ils sont reliés de loin en loin par des cordons transversaux. Nous revoyons nos cartes et photos, nos points gps, et grimpons à l'endroit choisi pour traverser: ça va, la vue de la grande plaine sombre nous conforte dans notre choix.

Après dégonflage des pneus, nous nous lançons à tour de rôle dans la longue montée de sable, pas trop mou finalement, puis c'est le saute-moutons dans les dunes du sommet, et la redescente assez abrupte de l'autre côté: une formalité !

Le reste de la matinée nous permet de rejoindre Ksar Rhilane et sa piscine naturelle, ou l'absence de touristes nous invite à un bain réparateur. Après un frugal déjeuner au camping "le paradis", nous cherchons à faire le plein chez un petit détaillant, la pompe "officielle" ayant fait faillite: un sombre imbroglio ou se seraient perdus les importants investissements d'un français... Le "pompiste" finit par nous lâcher 80 litres à 1.100 dinar le litre: une demi-heure de palabres pour le faire descendre de 2 dinars ! Martin est un négociateur redoutable. Bon, ce n'est plus trop éloigné du "prix-marché" (0.720 dinars), et avec l'effort fourni pour amener de l'essence ici...
Le voisin en profite pour nous inviter à prendre un café avec quelques amandes: c'est ça le commerce au Maghreb, souvent assez sympa.
Cela nous permet de repartir dare-dare vers le sud sur la grande "piste à camions", vers Larache. L'air est juste frais et nous parvenons sans encombres au poste militaire de Kammour, où le contrôle est bien fait mais rapidement et cordialement, comme d'habitude.
Nous camperons quelques kilomètres après, dans une légère dépression sablonneuse du reg: bois rare et petit vent frisquet, nous sommes réchauffés par un bon repas chaud et le thé, parfumé cette fois, sorti de la malle magique de Martin! Dodo.

La plaine de bir Aouïne, bis! Tourisme à zemlet el borma...

Vendredi 10 Novembre.
Le soir précédent, la perspective de 8 à 9 heures de route pour atteindre Larache et remonter à Ksar Rhilane nous a fait renoncer à nos plans définitivement: nous irons montrer la plaine de bir Aouïne à Joël et Martin, c'est presque plein ouest, et nous gagnerons plusieurs heures de piste inutile.
Nous pointons directement, en hors piste, sur la passe d'entrée de la plaine de bir Aouïne (r'cham, le "nez" de l'erg), à travers l'immense plateau ondulé et herbeux: on roule à quatre de front, au gré de notre fantaisie, sur plusieurs centaines de mètres de large. Je manque rouler sur l'entrée d'un terrier en plein reg: un renard famélique? un varan? pas le temps de faire le guet ! De temps en temps, une esquisse d'oued, un falaison, une daya bien herbeuse...

Nous passons l'entrée, nous reconnaissons les lieux, double trace qui serpente dans le sable, hautes herbes, puis c'est la piste dans le reg, gravillonneuse.
L'air est calme et pur, je roule en tête, suivi de Martin; soudain trois gazelles dorcas déboulent sur ma droite, traversent la piste 50 mètres devant moi et filent vers le sud-ouest; je les poursuis pour le plaisir, mais en faisant attention de ne pas « m'en prendre une »: je suis complètement dans le «bush»; je finis par apercevoir à ma gauche ces deux zigotos de Didier et Joël qui en ont fait autant 100 m en arrière, si bien que nous convergeons derrière les gazelles; je finis par abandonner, Didier aussi; seul Joël persévère jusqu'à les voir s'arrêter. Nous sommes aux anges; voir ces animaux magnifiques en liberté dans une si belle lumière est un moment d'intense plaisir.

Le poste de bir Aouïne nous accueille pour le contrôle des papiers. L'officiant nous propose son aide, aussi nous lui demandons un peu de farine pour le pain au sable! Il nous en apporte au moins 2 ou 3 kgs avec une grande gentillesse, nous le remercions chaleureusement; ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion d'éprouver l'hospitalité des autorités militaires et des Tunisiens en général.

Après l'escalade de la grande dune, zemlet el Borma, nous allons faire halte à la "source" de guelb el ahmar, (ou guelb el homra: le coeur rouge), forage artésien qui crache en permanence son eau chaude légèrement salée et soufrée dans le sable. Le filet d'eau va mourir cinq cent mètres plus loin sans avoir abreuvé le moindre arbuste ni le moindre palmier; c'est un mystère pour nous.

Nous faisons un peu de toilette, de lessive, et la cuisine : nous manquions de pain. Martin se surpasse et nous sors de sa casserole des petites délicatesses frites : un véritable délice ! le magicien du désert ! puis c'est le pain aux oignons, le pain aux raisins : une orgie vous dis-je. Quant on pense que certains s'imaginent qu'on fait la diète en moto dans le désert...

L'après-midi, nous reprenons la vieille piste qui remonte vers Ksar Rhilane, beaucoup plus amusante que la grande piste nord-sud, et qui court à mi-distance entre cette dernière et l'erg. C'est l'occasion de se défouler à bonne allure pour joël et moi dans les "woops" et autres vagues de sable de cette piste toute droite, qui n'est probablement plus empruntée que par les touristes motorisés. Nous rejoignons nos traces de l'avant-veille puis atteignons Ksar Rhilane en fin d'après-midi: bière pour tout le monde !

Dans la palmeraie, nous retrouvons notre emplacement d'il y a deux ans, et Mohamed, le sympathique kammès rencontré alors me tombe dessus par hasard: nous sommes tout contents de nous retrouver, mais il doit aller rejoindre son travail et nous quitte pour cette fois: il nous autorise à dormir là.
Après un dernier dîner copieux et arrosé d'une autre bonne bière, nous allons nous coucher sous les palmiers dattiers et les étoiles. Nous retrouvons les bruits de la civilisation, du coq à l'âne...La nuit sera humide, recouvrant les motos et les duvets d'une abondante rosée.

Samedi 11 Novembre.
Ce matin nous battons nos records de préparatifs, car nous comptons arriver avant midi à Douz , et cela par la piste directe: décollage à 7H45 ! Martin ouvre le bal: nous passons au fort romain, ou crapahutent déjà quelques touristes à bord de 4x4 rutilants, puis suivons scrupuleusement la piste dans tous ses méandres, et ils sont nombreux ! C'est un véritable supplice parfois, le sable est profondément labouré par les nombreux 4x4 qui y sont passés, et nous avons l'impression que ce tracé n'évite aucun des petits ergs qui parsèment la région. Ca nous change du hors-pistes permanent: aurions-nous pris de mauvaises habitudes ?!

A 11H, Joël et moi avons un peu accéléré le rythme sur la route de bir el hadj brahim, laissant Martin et Didier "croiser" en arrière: ça nous libère un peu, et nous entrons dans Douz...à 11H, Martin juste dans nos basques: le bougre roule à une allure de sénateur mais ne s'arrête jamais, le baroudeur africain en somme! C'est la fin des aventures, sauf pour Didier qui se permet de crever vers la fin de la route; ce sera la seule crevaison du séjour, dérisoires déboires...auxquels il faudra ajouter les aventures nocturnes et électriques de Martin sur les autoroutes détrempées du retour vers l'Allemagne...mais ceci est une autre histoire!

Alors, que tirer comme conclusion de notre périple ?
Peu d'erreurs de préparation, les choix des machines et des autonomies essence-eau-nourriture étaient judicieux. Les mallettes rigides (en dural) de Martin ont fait des envieux pour leur confort à l'escale et leur capacité: je suis plus dubitatif sur leur encombrement au pilotage en tout-terrain, et leur gêne pour peu qu'on fasse quelques fautes de pilotage...avec l'âge, ç'est une chose qui arrive aux vieux motards !
L'entente des co-équipiers a été quasi-sans nuages, à l'image des conditions météorologiques. Nous avons tous beaucoup apprécié l'amicale présence de Martin, son humeur égale, sa modestie: un bon compagnon de raid !
La préparation physique des pilotes n'est jamais assez bonne quant à elle, mais pour moi elle fut meilleure cette année.
Le prétexte au voyage , l'oasis cachée de haouïdet er Reched, ne nous a pas déçu, bien au contraire.
Martin, qui a beaucoup voyagé au Sahara, a convenu qu'il était ravi de cette découverte: la Tunisie est un petit pays, mais plein de richesses insoupçonnées. Sa partie Saharienne est largement aussi difficile à parcourir que bien d'autres régions célèbres, et présente encore pour nous bien des attraits: nous y retournerons? Inch Allah!


Trois longues années plus tard: sur les pistes du grand sud tunisien - 2003

« Aïe, nous devions partir en Mauritanie et nous ne sommes que deux ! Que fait-on ?» « Moi, j'y vais », dis-je à Didier un peu crânement. « Certes, mais ça ne serait pas vraiment raisonnable...et puis nous manquons de temps cette année !» « Et si nous repartions en Tunisie ? Nous n'en connaissons pas encore le grand Sud après tout.» « Mmmh, super idée, marché conclu !»

Et voilà comment on se retrouve un beau jour d'avril à nouveau en Tunisie, à parcourir de belles pistes presque toutes inconnues...

Travaux d'approche

Lundi 31 mars 2003
Il fait beau et chaud, une petite bruine sèche obscurcit un peu le paysage. Un vent léger nous rafraîchit chichement.

Nous chevauchons nos chères motos, nous sommes deux frères,
nous sommes, pour quelques jours, des princes du désert !

La piste est peu marquée et serpente tranquillement sur un vaste reg d'herbe à chameaux qui ondule à perte de vue vers l'est et le sud. Il est près de 13 h, un petit bruit attire mon attention depuis quelques minutes: "ting ting ting "... mais le motard est flemmard ! je laisse faire... À l'approche d'une courbe à gauche, je freine des deux roues pour placer la moto mais rien ne se passe ! M... plus de frein devant ! Je jette un coup d'oeil rapide sur le disque avant, la pince pend lamentablement au bout de sa durite. Bon, j'ai compris: bricolage en perspective. Nous avons de la chance, le flexible n'est pas percé...

Je fais signe à Didier qui s'en retourne et me rejoint. Décidément dans des dispositions optimistes, il part au ralenti à la recherche des boulons manquants.
Nous roulions depuis presque trois heures ce matin au départ de Tataouine. Après avoir jardiné un moment dans le Dahar pour trouver le début de la grande piste nord-sud, nous avions fini par suivre la route et enfin retrouvé nos repères.
Celà ne nous inquiétait pas trop, on met souvent un peu de temps à "se mettre dans le bain", à retrouver ses "marques"; celà vaut pour la navigation comme pour le reste: la cuisine, le montage de la tente, la connivence entre nous...
Il est quinze heures et après avoir tapé dans notre réserve de boulons et remonté cette fichue pince nous déjeunons: malgré la ténacité de Didier nous n'avons pas retrouvé les pièces perdues...

La piste s'ensable de plus en plus: nous commençons à trouver des dunettes de plus en plus hautes et de plus en plus rapprochées. La végétation y devient dense. On se "plante" régulièrement et la sueur coule sous les casques. Vers 17 h 30 nous touchons enfin un vallon d'herbe à chameaux.
Nous comprenons que cela va être comme ça jusqu'à l'erg el Mitt et décidons de prendre plein ouest pour rejoindre le grand reg. Ce petit erg si mystérieux repéré sur la carte ne semble après tout qu'une collection de sable sans grand relief: basta !

C'est une jolie piste qui nous amène sur des palmiers isolés, en vue du bordj bir el Fetnassi. Nous déboulons sur le fortin accompagnés par une meute de chiens à moitié sauvages, en déclenchant un début de panique parmi les militaires les plus jeunes ! Mais un vétéran vient effectuer un contrôle bon enfant, puis c'est la grande piste plein sud. De temps en temps, un établissement agricole avec forage et motopompe, une jolie ferme... Vers 18H30 c'est le bivouac dans un oued.

Mardi 1er avril
8H20 Nous sommes presque prêts... Le temps est un peu couvert, et il souffle un petit vent frais.
Après un bref "jardinage" pour trouver la piste dans la bonne direction (toujours le flair de Didier ;-), nous filons sur Dehibat.

Une fine colonne pyramidale attire notre attention: proche d'un petit bois d'eucalyptus qui abrite quelques tombes blanches, c'est le monument d'oum Souigh. Il commémore un combat entre les troupes françaises et tunisiennes lors des événements de l'indépendance.
Nous filons grand train vers le sud, traversons une grande route est-ouest, puis une zone de cultures et débouchons par un oued sur le reg qui mène à Dehibat après que nous ayons rejoint la grande route goudronnée de Remada.
C'est une ville-frontière ou nous trouverons de l'essence libyenne de contrebande. Elle vaut grosso modo le même prix que l'essence tunisienne mais a le mérite de suppléer à l'absence de pompe officielle.

Vers 10 h 30 nous filons plein Ouest chercher la piste de Lorzot. Pendant quelques kilomètres nous suivons de près la frontière libyenne, qui se trouve parfois à quelques dizaines de mètres: c'est un oued encaissé entre deux falaises, la Libyenne à gauche et la Tunisienne à droite; de temps en temps on passe auprès d'une petite palmeraie avec un puits, une pompe...

Vers midi la piste remonte sur le plateau ouest et les militaires du poste de bir el Menzla el loutani nous font signe de loin: nous ne pouvons faire semblant de ne pas les voir. Je fais signe à Didier qui « s'échappait » et nous stoppons nos moteurs devant la porte du fortin. Il s'agit de deux sous-officiers de la garde nationale qui nous retiennent un petit moment pour des histoires de liaison radio avec leur supérieur (nous ne nous sommes pas arrêtés au poste précédent...),...et nous offrent des biscuits et un jus de fruit pour se faire pardonner l'attente. En fait nous avons discuté de tout, de football, de la guerre en Irak bien sûr, de blagues: connaissez-vous celle-là ? Comment appelle-t-on les émirs arabes en Tunisie ? Les doubles zéros ! à cause des deux anneaux sur leur turban...:-))

Bon, c'est reparti vers l'ouest sur une "piste rapide", et c'est le contrôle de la garde nationale à Lorzot. Les deux jeunes appelés s'étonnent de notre âge avancé. J'ai en partie compris ce qu'ils se disent en arabe: « Chibani! Ce sont des vieux! », et ça les étonne encore plus !

Nous sautons le poste des militaires (non loin de celui de la garde nationale), en se demandant s'il fallait s'arrêter ou non, puis vers 14H30 nous déjeunons au sommet d'une gara. C'est une des nombreuses collines tabulaires communes à la région , les corniches abritent toute une faune carnivore: il y a des crottes et des débris d'os partout. Ici, la vue porte très loin : tout au nord Lorzot, et la pointe d'erg que nous venons de traverser; vers l'est, la Libye et la hamada el Hamra, vaste plateau qui mène au tassili des Ajjers, et bien au-delà vers le Ténéré.. ; à l'ouest nous apercevons une sorte de mini-tour Eiffel pile dans la direction de l'erg Jeneiene, et au sud des reliefs vers lesquels nous nous dirigeons.

La piste suit ensuite un grand reg parfois vallonné ; de temps en temps un peu de sable, une épave de véhicule... Nous passons le poste de bir Zar, vite contrôlés, puis nous tentons une "levrette" en suivant une piste secondaire toute droite, qui figure sur les cartes (un pointillé sur la carte soviétique et sur l'ancienne IGN au 1Mnième). Cette pseudo-piste s'avère difficile, avec une succession de grimpettes et de descentes cassantes, voire de falaises à franchir! Je manque me prendre les 190 kgs de la moto sur le ventre dans une montée encombrée de gros pavés et de sable (en configuration "raid", elle présente un net déséquilibre sur l'arrière). Bon, ça suffit, assez joué: nous quittons le coin et rejoignons la grande piste qui contourne le massif par l'ouest.
Au carrefour vers Mechiguig, une belle piste continue vers le sud: c'est celle que nous avions prévu de suivre. Vu l'heure tardive, nous décidons de rejoindre la grande "piste à camions" jusqu'à Tiaret. Pas ce qu'il y a de plus agréable, mais le temps manquait, et nous pensons au reste du voyage... À nouveau un contrôle militaire, toujours aussi rapide, et ces jeunes soldats nous indiquent la pompe à essence et le camp pétrolier. Le portail est ouvert mais il n'y a plus personne en cette fin d'après-midi; nous suivons la belle allée d'eucalyptus jusqu'à la base de vie de la "Trapsa", la compagnie Tunisienne propriétaire du site.

Les bungalows me rappellent le « village de vacances » du lac Itasy à Madagascar, quand je travaillais sur la bilharziose pour l'institut Pasteur...de vieux souvenirs remontent... Après un moment d'attente, dans le calme du soir seulement troublé par les pépiements des oiseaux, un employé vient nous saluer. Son "chef" nous propose de prendre une douche à l'intérieur d'un bungalow, mais de monter notre tente sous les arbres dans l'enceinte du camp: proposition acceptée!
Il y a un petit vent froid mais la douche est bien chaude...on préparera les portions lyophilisées avec ! À huit heures, tente montée, diner vite avalé, nous sommes au lit toutes lumières éteintes ... Une demi-heure après une voix nous appelle pour nous inviter à partager un plat de spaghettis ! Nous sommes fourbus, aussi nous déclinons poliment cette gentille invitation. Tant pis, ce sera pour une autre fois : «Nous sommes fatigués !»

Enfin le "grand sud" !

Mercredi 2 avril
Après plus d'une heure à lambiner en préparatifs et bricolages de dernière minute, Didier est enfin prêt : il est tellement vexé, qu'il se promet de se lever désormais à cinq heures du matin... Nous filons faire le plein à la "station" : c'est l'ingénieur en chef lui-même qui nous sert. C'est un homme très courtois qui nous explique que la compagnie fait cela à prix coûtant pour être agréable aux touristes (ce que nous savions): « Merci beaucoup ! », cela rend bien service aux motards toujours en manque de réserves... Nous parlons de choses et d'autres, de Bourguiba et de Ben Ali (réservé), de l'éducation des enfants...très sympathique et détendu. Il n'aime pas les Berbères...(?)
Nous reprenons la piste sur quelques kilomètres, puis nous obliquons à gauche à la recherche d'une piste qui nous amènerait à fort Mechiguig. Une autre piste est là qui file à peu près dans la bonne direction. Elle est rapidement très ensablée, avec de jolis passages relativement faciles en moto.

Nous tombons sur un joli petit fortin, digne d'un décor de cinéma.
Au loin vers l'est, on aperçoit un grand fort (déjà Mechiguig ?), visiblement "en activité". Nous décidons de ne pas y grimper et préférons suivre l'oued qui rejoint la grande piste Tiaret -bordj el Khadra par une large boucle est. Suit plus d'une heure de semi-galère dans du fesh-fesh et des taupinières de sable. Les moteurs souffrent, mon piston haute-compression cliquète à mort: pourvu qu'il tienne...La consommation doit être au top !

Enfin nous rejoignons la piste, puis la grande piste à camions, et ensuite c'est la purge: nous suivons cette piste sur des kilomètres et des kilomètres de tôle ondulée bétonnée, de caillasses grosses comme un ballon de handball; je cale le compteur à 80 km/h mais Didier ne suit pas : il ne veut pas abîmer ses jantes. C'est vrai que c'est un peu dangereux: une gamelle à cette vitesse et sur ce sol, et le voyage peut s'arrêter là..

Puis c'est aïn Sekhouna. Nous avions cherché la source avec un way-point donné par un copain d'Internet: chou blanc ! C'est au contrôle militaire que nous avons compris où elle se trouvait: juste un peu plus loin ! Il y a une tête de forage qui donne de l'eau chaude et un peu de pétrole. Le jardinet est entretenu par les militaires : nous mangeons sous les thallas, mais au lieu de faire la sieste sous une chaleur écrasante, nous préférons repartir : ça nous fera un peu d'air.

La piste s'ensable peu à peu pour finir par complètement disparaître. Les grandes dunes apparaissent à droite et à gauche, les moteurs sont à plein régime dans les ornières de sable mou. Craignant la casse, je finis par partir en hors-piste dans les dunes côté ouest. Didier, un peu étonné, me rejoint: eh oui, c'est mieux pour nos motos ! Il était temps ! Comme on peut être moutonniers, parfois ! Enfin, la grande sebkha Libyenne apparaît : nous approchons du fameux bir Pistor. Une petite variante s'offre à nous. Je propose à Didier de visiter la mine de roses des sable dont Alain nous a donné les coordonnées géographiques.

Nous suivons le bord de l'erg jusqu'au site, qui se trouve au ras du territoire Libyen: au loin nous apercevons un fort abandonné agrémenté de quelques palmiers. Nous repartons vers bir Pistor en roulant directement dans le lac salé.

Nous arrivons en début d'après-midi à bordj el Khadra, site sous contrôle de l'armée. Ici, la règle est de déposer ses passeports chez les militaires, qui nous conseillent d'aller rendre visite à Dhaou, au café du 7 novembre. C'est un de ses fils qui nous accueille. Didier n'est pas chaud pour dormir là, il préférerait être tranquille dans les dunes ou au bord du lac: je lui fait miroiter l'absence de moustiques, un bon couscous et une bonne bière! De plus Dhaou n'est pas trop pressant et ça nous "met à l'aise". La déco de son café vaut le détour, et nous découvrons qu'il est une véritable vedette chez les voyageurs Sahariens! Ses murs sont recouverts de dédicaces: petits mots, graffiti, dessins, photos de tous les gens qui sont venus là depuis des années. Cédant à la coutume nous ajoutons les nôtres! Il y a là toutes les nationalités, toutes les origines, tous les styles...
Le garçon est éclectique : en plus de ses fonctions de gardien d'antenne (le café occupe le local officiel...), il entretient plusieurs jardins dans la palmeraie, fort jolie, et il tiendrait lieu de maire à la petite communauté de civils de bordj el Khadra.

Au crépuscule, il nous fait visiter la palmeraie , le village, le cimetière des martyrs (tués au cours d'un combat avec les Français, lors des événements de l'indépendance). Ici, l'eau ne manque pas; le forage artésien se trouve dans l'enceinte militaire. Le débit est important, et le trop plein se déverse dans le grand étang permanent qui s'étend au nord du poste. Ensuite nous faisons un peu de mécanique d'entretien. Un homme vient prendre un rafraîchissement chez Dhaou. Un peu fatigué, les mains dans le cambouis, je ne suis pas très engageant, et nous n'engageons pas la conversation. J'apprendrai que c'est le pharmacien de la base! Peut être une occasion d'échanges ratée...Tant pis...

Nous montons la tente chez Dhaou, sous sa zériba.

Seuls dans les dunes du grand erg oriental

Jeudi 3 avril
En fin de compte, le but principal de ce voyage était de voir les grandes dunes du sud Tunisien. Bon, eh bien nous y sommes !
Didier et moi hésitons un peu : il n'y a guère de touristes en ce moment, et nous traînons encore notre vieux problème : nous ne sommes toujours que deux motos ! Je fais une proposition à Didier : « On s'enfonce dans l'erg de 15 kilomètres, et si tout s'est bien passé on continue ; si ça ne va pas on fait demi-tour et on rentre par le chemin inverse: il faudra juste prendre garde à ne pas suivre une trace non réversible. » « OK, bonne idée. »

Cet hiver, bien au chaud derrière mon ordinateur, j'avais soigneusement préparé notre itinéraire à l'aide de cartes précises et de photos satellites. J'avais ensuite chargé le GPS de Didier avec tous les points du parcours, au cas où. Pour cette portion hors-piste de progression dans l'erg, le tracé était très précis: c'était le moment d'en vérifier la justesse.

Vers 8 heures, photos-souvenir faites, dettes payées, nous filons vers l'entrée de l'erg : l'air est clair et très pur.

Nous sommes surpris par la facilité de notre progression, et les kilomètres défilent rapidement.

Nous longeons les plus hautes dunes de Tunisie: plus de 200 mètres de hauteur au-dessus de la plaine. Ici, elles forment des massifs pyramidaux, les ghourds, séparés par de grandes "vallées" , les gassis, plus ou moins envahis par le sable, parfois coupés par un petit cordon dunaire secondaire.

Aujourd'hui Didier fait la trace : pourvu de son GPS plus moderne (GPS 45 XL de 1999), il emprunte l'itinéraire préparé. Mais parfois il faut aussi décider au cas par cas, d'un coup d'oeil, et contourner tel ou tel sif par la droite ou par la gauche.

Quant à moi je suis, avec mon vieux GPS (Garmin 50 de 1992 !): je " tire" tout le monde vers un point assez éloigné, ce qui donne le cap général à suivre. Le matériel utilisé comprend une tablette articulée sur le guidon qui supporte le GPS et les notes de navigation: listes des « waypoints » de la route de la journée étudiée avant le départ, sur des cartes au 1/200.000e et photos-satellites, et extraits de carte de la zone du jour.

La route est chargée avant le départ, l'extrait de carte affiché, et c'est parti !

Ce matin, j'ai encore un de ces "coups de pompe" dont je suis assez coutumier (une migraine tenace me tient depuis plusieurs jours).
Vers onze heures, un pickup Toyota nous rattrape alors que nous étions arrêtés, occupés à faire le point. Trois hommes en descendent, et le plus jeune se met à nous bombarder de questions : « D'ou venez-vous ? où allez-vous ? de quelle nationalité êtes-vous ? etc... » Le plus âgé se tient silencieusement un peu en arrière de notre groupe... Nous apprenons que ce sont des Algériens venant de Deb deb. Ils ont été intrigués un peu plus tôt par nos deux traces isolées , et les ont suivies. Ils n'ont rien: la benne n'est occupée que par quelques couvertures et une guerba - pas de plaques d'immatriculation...
Je leur demande où sont leurs troupeaux, persuadé que ce sont des nomades. Ils ne comprennent pas. Didier déride tout le monde en imitant un bêlement de chèvre ! Ayant visiblement épuisé tout nos sujets de conversation, nous prenons congé d'eux: ils rembarquent dans leur pick-up et disparaissent aussi vite qu'ils sont venus en franchissant souplement un joli sif : le "silencieux" est un bon pilote...Rentré chez moi, un «correspondant internet», familier du coin, me dira que ce sont des contrebandiers; notre rencontre a d'ailleurs intéressé les militaires. Dans cette même zone, des incidents avec des islamistes se dérouleront quelques mois plus tard...Rétrospectivement, cela fait froid dans le dos !

Nous continuons la progression, zigzagant entre les ghourds, gros massifs dunaires bien visibles sur les photos satellites. De temps en temps un franchissement de mur, une vérification de cap, et vers 13 h, nous nous arrêtons pour récupérer un peu d'énergie.

Insensiblement, le vent est monté, et nous sommes obligés de parquer les deux motos en"V". Le pain au sable est coupé en deux et garni de thon avec son huile: ça coule sur les doigts, crisse sous la dent, mais notre faim est calmée ! Comme notre abri s'avère précaire, nous renonçons à la sieste pour continuer notre progression.

Vers 15 h, le vent est encore monté et atteint force six ou sept. Le sable vole horizontalement au ras du sol, qui semble se dérober sous les roues: nos repères visuels sont faussés, nous mettant à la limite de la nausée ! La visibilité a fortement diminué, et il se met à pleuvoir ! Didier sent même quelques grêlons... Nous nous accrochons à nos guidons...et aux GPS !

Enfin, vers 16H heures, nous apercevons à quelques kilomètres les pâles lumières d'ech Chouech. Il fait presque nuit ! Il faut encore descendre un dernier "mur". Didier tombe une première fois; je l'attends; il retombe, puis me rejoint: il est temps d'arriver !
Après le contrôle des militaires de la garde nationale, nous cherchons un coin pour planter la tente. Le choix est vite fait, il y a un maigre buisson à une centaine de mètres du camp pétrolier: nous sommes encore un peu trop près du groupe électrogène qui hurle sans faiblir ses décibels, et à quelques mètres de l'émissaire des toilettes du camp ! tant pis... Nous ramassons du bois mort, et Didier parvient à le mettre à l'abri de la pluie dans un boîtier métallique abandonné là par les pétroliers. Nous montons la tente avant que la pluie ne reprenne. Je suis fourbu. Je vais m'allonger un moment. Didier en profite pour préparer le repas et un petit thé bien réconfortant: merci frangin ! Le groupe électrogène s'est tu, nous ne sentons plus aucune effluve, et le vent est largement tombé. Nous nous glissons avec joie dans notre guitoune sous nos duvets bien chauds.

Vendredi 4 avril
Ce matin l'air est calme et il fait beau.
Un ouvrier de la station pétrolière est venu nous rendre visite ce matin : il est originaire des iles Kerkena, c'est donc un fils de pêcheurs: quel changement de cadre ! Il veut nous inviter à déjeuner ce midi, mais nous devons poursuivre : c'est la règle du voyage. S'il nous avait proposé ça hier soir...

Deux choix s'offrent à nous: suivre la piste du pipeline jusqu'à el borma, ou suivre la "piste à bidons" qui fait une large boucle vers l'est. Nous suivons la piste balisée de fûts de 200 litres vides. Nous recherchons une source artésienne d'eau chaude signalée par notre interlocuteur de ce matin: rien !

Nous poursuivons, et bien plus loin que prévu, nous "tombons" sur la source. C'est un grand cube de béton d'à peu près deux mètres de côté qui crache en permanence à gros bouillons une eau très chaude. Il fait froid et cela nous enlève toute envie de nous y baigner. À retenir pour une prochaine expédition...

Nous décidons d'aller à la recherche d'une oasis perdue, petite tache noire et rouge aperçue sur la photo-satellite: le noir pour l'eau et le rouge pour la végétation ! Dix à quinze kilomètres plus loin, nous trouvons une tête de forage : morte. Il ne reste qu'un grand bosquet de thallas, un abri derrière lequel nous pouvons nous isoler du vent de sable qui s'est à nouveau levé depuis notre départ. Une fois de plus, après le frugal déjeuner, nous renonçons à faire une sieste: mauvaise habitude !

Nous reprenons scrupuleusement notre trace et retrouvons avec soulagement la piste à bidons. Les kilomètres se succèdent, avec pour seule difficulté d'apercevoir le fût suivant dans le brouillard de sable .
Le vent forcit, et nous progressons en louvoyant, les motos inclinées à 20 degrés, raidis sur nos guidons.
Malgré nos excellentes lunettes de motos, le sable envahit nos paupières: c'est très douloureux. Nous nous apercevrons un peu plus tard que tous les plastiques, y compris le verre du phare, sont dépolis ! Nos motos sont toujours propres dans le désert, elles sont entièrement briquées par le sable...
Nous avons rejoint la grande piste bien entretenue et le pipeline. Au fil des kilomètres, des carrefours apparaissent, des installations pétrolières, parfois quelques lumières.

Vers 14H30, dans une lumière crépusculaire, nous arrivons enfin au poste de la garde nationale d'el Borma. Le préposé, hospitalier, nous offre de nous débarbouiller, et quelques bouteilles d'eau.
Puis il nous expédie à la base de vie de la SITEP, société italo-tunisienne de pétrole, où nous pourrons être hébergés (c'est la tradition saharienne d'hospitalité !).
Après un change défavorable d'euros contre des dinars, nous faisons le plein puis gagnons nos chambres dans la base de vie. C'est très propre, et un peu monacal : visiblement des chambres prévues pour des travailleurs seuls.
Il fait froid, et je dégotte un vieux radiateur à bain d'huile aux fils dénudés: il faut enfoncer les fils directement dans les trous de la prise ! Nous nous réfugions dans ma chambre, chauffage réglé à fond ! Il y a même un petit bureau : nous en profitons pour préparer les journées suivantes.
Vers le soir, le vent est un peu tombé et nous allons prendre un café au bar ; puis nous filons au restaurant d'entreprise, côté cadres s'il vous plaît !

Samedi 5 avril
Le lendemain, le vent est complètement tombé. Nous profitons de l'heure de lever matinal des travailleurs pétroliers pour déjeuner et nous préparer : changements des filtres à air, bagages... Nous quittons la grande plaine d'el Borma vers l'est.

Rapidement, nous devons nous arrêter : les soudures du porte-bagages de Didier ont lâché côté gauche.

Suivent deux heures de réparation à coups de fil de fer et de morceaux de bois prélevés aux alentours et retaillés à l'Opinel ! Le réservoir bâbord est ensuite vidé de son contenu pour soulager le brêlage: nous ne nous en servions pas...

Nous finissons par repartir et déboucher dans le grand reg est, et obliquons sur la piste bien tracée de Larich. Nous faisons le tour de la station pétrolière, à la recherche de la source. Le sol est jonché de débris métalliques de toutes sortes, de tuyaux de tous diamètres, de gravats: quel cadre de vie. Ces pétroliers ne sont pas des poètes. Nous poursuivons, un peu dépités.

Surprise, derrière la colline suivante, nous apercevons un joli bosquet de thallas, qui signe la présence de la source. Nous quittons rapidement nos vêtements de motos, faisons chauffer un repas pantagruélique, et le sempiternel thé vert, et allons déguster le tout, allongés dans l'eau chaude de la résurgence artésienne: quel pied ! Quelle joie pour nous de voir une belle gamelle de riz cuire à la façon créole au feu de bois: nostalgie, nostalgie...

Un chauffeur de la base vient nous rendre visite et nous discutons agréablement un moment. Puis trois ou quatre 4x4 allemands arrivent du diable vauvert, nous saluent discrètement, et poursuivent leur chemin.
Vers 15 h 30, il est temps de s'arracher aux délices de Larich. Nous tirons tout droit au cap vers ben Sabeur à travers un grand reg au relief assez plat.

Au loin le fort et l'oasis de ben Sabeur apparaissent.

C'est un petit fortin posé sur sa colline, qui surplombe les eucalyptus et les roseaux entourant la source artésienne (un gros tuyau métallique crache l'eau chaude et bulleuse en bouillonnant): un joli coin de bivouac à retenir.

Nous visitons le fortin abandonné, et filons explorer une passe vers le sud-ouest, repérée sur les photos-satellite. En approchant de l'erg, nous rencontrons une zone de petites dunettes bien cassantes.

Didier nous fait une frayeur en exécutant un magnifique salto avant au-dessus de son guidon: après un moment d'inquiétude, il se relève avec quelques ecchymoses (il a percuté son guidon avec ses jambes...)
Nous stoppons juste à côté de la passe présumée, enfilons shorts, T-shirts et sandales, et continuons l'exploration à pieds.

La passe est praticable : c'est une information intéressante. Elle est jonchée de débris silicifiés de coquilles d'oeufs d'autruche, d'éclats de silex...

Le jour tombe et nous redescendons pour monter le camp: ce sera un de nos plus beaux bivouacs sous une jolie nuit étoilée et dans une complète solitude.

A la découverte de l'«erg mille-pattes»

Dimanche 6 avril
Nous nous offrons un petit déjeuner copieux, puis c'est le départ vers l'est: nous rejoignons la piste sud de ben Sabeur, puis une grande piste à camion qui nous amène au "SP 3" (station pétrolière ?), point remarquable d'ou part la piste de bir Zar. Nous allons tenter de suivre une piste vers le nord, marquée en pointillés sur la carte soviétique.
Après quelques kilomètres en direction du Nord-nord-ouest, nous empruntons une trace qui part à peu près au nord.

Rapidement elle diverge, et nous devons continuer hors-piste, sur un reg entrecoupé de collines, d'oueds...

Il faut trouver son passage pour y descendre, puis ré-escalader la falaise de l'autre côté, emprunter parfois un tronçon de piste qui va dans la bonne direction puis l'abandonner à nouveau...

Après quelque temps, nous apercevons enfin le fameux erg Jénéïène. Nous arrivons au bord du plateau, dont il faut redescendre pour rejoindre la vaste plaine qui sépare l'erg et la hamada.

Nous pointons directement "au cap" vers une touffe de végétation aperçue dans le lointain tout au pied de l'erg.
Vers 13 h, nous atteignons le bosquet : se sont d'énormes "thallas", aux troncs d'au moins 30 centimètres de diamètre.

Je contourne la butte et aperçoit un portique muni d'une poulie: un puits ! Il s'agit probablement du puits de Gasr er Rnimi.

Nous en profitons pour tester notre matériel de puisage: échec avec le "délou" souple ! (contents de ne pas en avoir eu besoin...) J'attache la cordelette à un des bidons plastiques qui traînent alentour, et puise une eau bien claire et fraîche. Puis c'est la filtration dans un sac pour aspirateurs (bonne idée de Didier), et le traitement au micropur. Elle fera un excellent thé !

Nous sommes détendus, et le déjeuner est très agréable sous les thallas.

Vers 15 h 30, nous décollons pour aller planter le camp un peu plus loin. Nous suivons le bord sud de l'erg; à un moment, nous sommes pris d'une humeur entreprenante: nous testons avec les motos le passage d'un des cols entre les bras de l'erg. Nous progressons de crête en crête sur une pente peu importante et atteignons le sommet. Ca passe sans problème ! Démonstration faite, nous redescendons.

Plus loin, nous contournons tout un troupeau de chameaux avec leurs petits: quels beaux pâturages pour les nomades.
Nous avons décidé de grimper à pied au sommet de l'erg : nous sortons à nouveau les shorts, sacs à dos et sandales . Au sommet, les cartes et le GPS nous indiquent qu'il s'est déplaçé ! Sa physionomie caractéristique en forme de millepattes, ou de feuille de fougère, se confirme très bien de visu.

La vue porte loin : au nord, l'erg se dilue progressivement en petites dunettes puis en une plaine sablonneuse pour finir sur un vaste reg.

Au sud, après le glacis de la plaine de l'oued Jénéïène, on aperçoit les falaises de la "hamada" et ses collines tabulaires-vestiges, les "garas".

Nous montons le camp un peu plus loin à côté de nouvelles buttes à thallas. Nous sommes maintenant bien rodés: ramassage du bois, montage de la tente, déballage du nécessaire de cuisine, préparation du repas, bouilloire de thé à chauffer...Nous en profitons pour préparer le pain cuit au sable, le "robs el mellah". C'est toujours un grand plaisir de sentir cette bonne odeur de boulangerie en plein désert !

Lundi 7 avril
Nous sommes à nouveau sur nos motos et rejoignons rapidement les pistes coupées hier, qui convergent vers Jénéïène. En approchant du lieu-dit, nous découvrons ce curieux édifice qui rappelle vaguement une tour eiffel et que nous avions apercu mardi dernier en longeant la frontière Libyenne. Il est beaucoup moins haut qu'imaginé et s'avère être un derrick ! Sa construction par une société italo-tunisienne remonte à un ou deux mois. Mais contrairement aux affirmations du technicien du pétrole entendu à Larich, pas de village ni de bureau de poste pour téléphoner à la famille ! Nous repartons directement vers le poste de la garde nationale. Un couple de vénérables Allemands est là dans l'oued, qui regonfle tranquillement un pneu allangui.

Non loin, on aperçoit le puits de Jénéïène, petit édifice à l'apparence de marabout: ce serait la même eau qu'à Gasr er Rnimi.

Contrôle fait, nous repartons vers le nord en direction de bordj Bourguiba.

Mais après quelques kilomètres, Didier crève de l'avant: nous profitons de la maigre ombre donnée par un panneau de CP (contrôle de passage) datant d'un ancien «Paris-Dakar» ! Nos «collègues» allemands s'arrêtent et s'enquièrent de nos problèmes: «Il fait beau, nous avons le temps, et c'est la première crevaison en dix jours ! Tout va bien, merci beaucoup !» Elle sourit, puis ils poursuivent leur chemin. C'est ça la solidarité des voyageurs Sahariens...

Après la grande piste bien marquée, nous nous engageons sur une petite piste étroite comme nous les aimons tant. Soudain, je vois deux luxueux 4x4 venir vers nous de la direction opposée: je passe sur le bas-côté, dans l'herbe à chameaux. Les deux pilotes saluent: sourire et petit signe de la main, et je poursuis mon chemin. Quelques kilomètres plus loin, Didier me rejoint: « Tu as vu, c'était Cyril Neveu !»...« Ben non »... Le monde est petit ! Cyril est bien connu des motards de raid pour avoir gagné plusieurs fois «le Dakar» et d'autres courses Africaines moins médiatiques; il s'est actuellement recyclé dans l'organisation de courses et raids sur le même terrain, et nous le croisons sur les dernières reconnaissances avant la course du rallye de Tunisie.

Alors que nous montons sur un promontoire surmonté d'un cairn, apparaît subitement un fort sur sa colline: probablement bordj Bourguiba.

Nous descendons dans l'oued Guecira, trouvons le puits du même nom, puis une jolie plantation bien entretenue et entourée de barbelés. Sûrement une propriété militaire ! Nous pique-niquons du côté nord, à l'abri des grands eucalyptus.

Avec Didier, nous décidons d'une variante à notre parcours: nous ferons une petite boucle vers l'est. Après avoir un peu jardiné pour trouver l'entrée, nous suivons une petite piste peu intéressante sur le plateau. Seule surprise, une magnifique outarde s'envole devant les roues de Didier: c'est la première fois que j'en vois une. C'est une espèce en voie de disparition dans ces contrées... De temps en temps, une trace d'activité humaine : un fonds de vallon, un repli de terrain, où la terre est labourée... Quelques arbres fruitiers...
Nous rejoignons la (très) grande piste, puis descendons la falaise du Dahar dans de jolis canyons. Didier ne veut pas terminer la boucle et retourner vers bordj Bourguiba: nous rejoignons le poste militaire de Kambout ou se déroule notre dernier contrôle. Puis nous filons plein nord pour retrouver la piste de l'autre côté.

Après avoir « jardiné » le long du Dahar, nous trouvons une piste qui y ressemble: nous plantons le bivouac dans un décor de western.
Nous grimpons sur un piton voisin puis sur le rebord du plateau. La falaise recèle des cavernes aménagées, des constructions de pierre, témoins d'un habitat humain: nous sommes déjà dans le pays Berbère.

Nous redescendons monter notre dernier bivouac au bord du petit oued parsemé de quelques pauvres cultures (du blé?).

Mardi 8 Avril
Le lendemain, c'est le retour vers Tataouine et la civilisation. Il était temps, ma tendre épouse était très inquiète ! Il me faut contacter rapidement l'ambassade de France et désamorcer le lancement d'éventuelles recherches...Je suis un peu mortifié, mais je la comprends. Tout rentre heureusement dans l'ordre, rien de "lourd" n'avait été lancé.

Nous allons saluer les responsables du syndicat d'initiative, très efficaces, et qui nous ont bien aidés dans la préparation du voyage (obtention des autorisations militaires); ils nous proposent quelques dépliants utiles pour le grand sud (c'est un peu tard, mais OK...) Nous chargeons les véhicules, puis allons nous envoyer un bon couscous derrière la cravate ! Après quelques emplettes (nécessaire à thé, pâtisseries tunisiennes...), nous rentrons sur Tunis.

Mercredi 9 Avril
C'est l'embarquement à bord du car-ferry Carthage: il n'y a qu'une cinquantaine de véhicules et trois couples de touristes ! L'ambiance à bord est morne, dans l'atmosphère de la prise de Bagdad par les nord-américains: tout le monde est aux prises avec des sentiments contradictoires...
Mais les retrouvailles familiales sont l'occasion d'enchainer les anecdotes, de répondre aux nombreuses questions qui fusent...C'était un beau voyage, et nous sommes revenus pleins d'usage et raison, chacun retournant auprès des siens !

Épilogue

De retour chez moi, en écrivant ces lignes, je réalise tout le chemin parcouru depuis le voyage de 1993, ou nous fimes piteusement demi-tour devant le poste de la garde nationale de Kammour: nous n'avions plus de nourriture, peu d'eau et insuffisamment d'essence; et bien entendu aucune autorisation des militaires...
Bien souvent, c'est de l'échec que naissent la résolution, la ténacité et au final la réussite d'un projet.
Pour moi, ca n'était pas une décision clairement formulée, mais le résultat est là: après plusieurs centaines d'heures de préparation de la navigation (programmes, cartes, photos-satellite, numérisations, échanges de nombreuses informations sur internet, tracages d'itinéraires...), du matériel (acquisition de l'autonomie réelle suffisante, fiabilisation des motos...), des hommes aussi, nous pouvons nous dire que nous avons une petite idée de ce que peut être le Sahara Tunisien, et sans l'aide de personne sur le terrain: ni "organisation", ni 4x4 "d'assistance", ni guide local. Celà n'est pas péjoratif, chacun voyage comme il le peut et le veut.
Un ami Français m'a dit récemment que nous voyagions désormais comme des motards Allemands: je le confirme bien volontiers ! Pour les même raisons que nos collègues Allemands, nous avons retenu des solutions proches, avec nos spécificités.
D'autres gens nous disent que nous voyageons comme les nomades sahariens: peu de bagages, rapidement poussiéreux et fumés au feu de bois, nous subissons les éléments naturels. Mais nous profitons des sons et des odeurs de la piste, des rencontres directes et sans façons avec les gens...
Oui, nous roulons très chargés, oui le pilotage s'en ressent, et il n'est plus du tout le même qu'en enduro, mais nous passons à peu près partout ou passe une moto TT, le plaisir du pilotage est toujours là , et l'ambiance de voyage est BEAUCOUP plus détendue qu'en course ou en groupe organisé !!
Dans ce mode de voyage, la moto est plus discrète: elle retourne à son rôle d'instrument de voyage, mais reste cet incomparable engin de déplacement que nous aimons tant.


Retour vers le futur - Tunisie 2007

Les vieux chats sont joueurs, c'est bien connu...

Une «invitation» qui ne se refuse pas

Nous partons avec François Guillot, le "facteur du désert" (sobriquet pas seulement dû à son adresse courriel, comme on le verra !) : C'est toujours intéressant de rencontrer un colistier en chair et en os (n'est-ce pas Greg et Alex ;-). François a eu la gentillesse (ou l'inconscience?) de m'inviter sur son voyage; difficile de refuser, surtout que l'envie de repiquer au jeu nous démange toujours, mon frère et moi. Nous trouvons une date qui convient à tout le monde, nous serons quatre: c'est le bon chiffre, ni trop, ni trop peu.

François et Alain sont deux garçons solides, tant sur la préparation des machines que sur celle de la navigation et des bonshommes: deux triathloniens de quarante berges, il y aura intérêt à suivre! Le parcours choisi, discuté à l'avance, est copieux: généralement on n'en réalise qu'une partie. Avec ces deux "fadas", on en a rajouté ! Jamais autant bouffé de sable, et pas d'indigestion ;-). Mon frère et moi, compagnons de raid de toujours, nous avons parcouru en huit jours ce que nous faisons habituellement en deux raids! C'est en bonne partie dû à l'organisation de François, à la maturité des éléments du groupe...et à la baraka: «abdulillah!».

Nous partons avec quatre motos différentes, une 400XR bien usée, une 350DRS troisième âge, et Alain et moi avec nos motos d'enduro : 640 KTM et 250 Yamaha WRF. Mais toutes sont préparées avec des réservoirs de grande capacité, un porte-bagage pour Alain et François et des sacoches pour tout le monde. Quelques pièces, filtres, outils habituels et basta: nous avons maintenant l'habitude d'aller à l'essentiel!

Avant le départ, par mails, téléphone, et lors de notre rencontre chez Didier à Salon de Provence (à "bir el Gandonne" !), nous avons finalement combiné deux voyages en un: un raid autonome avec étapes en profondeur dans l'erg, et un raid de conserve avec un 4x4 suiveur. Ce véhicule d'assistance nous rejoindra à des points convenus; pour le reste du parcours, il sera avec nous. Nous avons donc loué les services d'un "guide" et de son aide, avec essence, eau et nourriture pour les deux tiers du raid. François a rencontré Hamet lors de précédents voyages et cette fois, il lui a demandé de nous accompagner en clients directs. Son 4x4 est un pick-up Mazda modérément adapté au TT difficile, mais apparemment il sait s'en servir; François nous montre une photo de la bagnole sur le toit au pied d'un sif, je suis modérément rassuré ! Nous devrons le rejoindre à un point de rendez-vous au bout de 3 jours d'autonomie, à une source repérée sur les cartes et photos-satellites, au sud de bir Aouïne, tout contre le grand erg.

Cette première partie du raid, en autonomie totale entre Douz et la source de aïn Zegaba, exige quelques précautions pour les motards (eau, nourriture, pharmacie, quelques pièces et outils et suffisamment d'essence en cas de panne et deux nuit à passer seuls...): François, connaissant notre façon de voyager a accepté ces quelques jours d'autonomie totale et la préparation « grand raid » des motos qui en découle, même si avec le 4x4 présent en permanence, nous aurions pu profiter de motos légères et plus "amusantes" ne nécessitant aucun travail avant le départ...mais c'était renoncer à toute originalité ou difficulté de parcours! La suite nous donnera raison.

François et Alain, un de ses amis, emportent un monceau de paquets: vêtements, chaussures, couteaux, stylos, jouets. Avec Didier, mon frère, nous aurons parfois une vague impression de suivre une sorte de caravane du tour de France...avec tout de même quelques bons moments de joie simple, notamment avec les gamins. Ils nous en avaient parlé avant le départ, mais nous n'avions pas vraiment réalisé l'ampleur des bagages qu'ils comptaient emporter pour donner sur place. Nous ne sommes pas vraiment habitués à ce type d'action, ni à avoir un 4x4 accompagnateur...Et puis, pour tout dire, nous avons un point de vue légèrement différent ! J'en reparlerai plus loin, lors de notre passage à dakhlet Amoud.

Dimanche 11 février 2007, 20 heures
Nous sommes accroupis sur des coussins, dans l'arrière-salle d'un restaurant de Douz.
Hamet ne répond pas à mes questions: encore un effet de ma notoire diction bouche-fermée, ou de ma voix sourde ? Ou d'une mauvaise compréhension du français ? d'une méfiance réciproque ?! Ou encore une préséance due à la "hiérarchie" ? C'est le voyage de François, qui est donc le "chef d'expédition": dans ce milieu culturel, cette donnée est importante. D'ailleurs, ne lui avons-nous pas accordé à l'unanimité deux voix en cas de vote !

Plus la soirée avance, plus je trouve qu'il me rappelle le chef des pompiers de Djanet, représentant local de la « moukhabarat » algérienne (la police secrète) !! Quand je finis par avouer ça à François, qui se rend bien compte que quelque chose cloche, ça le fera franchement rigoler; incident clos.

Nous sommes arrivés en fin d'après-midi à Douz, d'une traite depuis La Goulette; la remorque porte trois motos, accrochée au cul de la Skoda de Didier; François a vaillamment suivi avec sa XR. Le taulier de l'hôtel-restaurant Belhabib est Abdou, un noir soudanais, plutôt jeune et jovial. Après des études et un passage en Europe, il tient cet hôtel, rustique et propre, pour le compte d'un propriétaire éloigné. La clientèle y est mitigée: locaux et routards s'y côtoient discrètement. Je le trouve plutôt franc: il n'y a apparemment pas de sujets tabous avec lui! C'est un musulman pratiquant, mais sans ostentation; il nous montre des photos de «sa femme» en Allemagne: peut-on vivre comme ça, si éloignés ?

Il nous trouve une combine pour planquer les motos chez un propriétaire de chiens de chasse au sanglier (dans les marais d' el Faouar): les pauvres bêtes, les maigres lévriers sloughis prisés ici, assistent silencieusement de leur cage au parcage des motos. La remorque est amenée dans un garage au sud de la ville: super !
Le restaurant au rez de chaussée est du même acabit, salle à la tunisienne (meubles plastique , néons...), mais il y a une arrière salle avec tapis et coussins où l'on sert un repas à un groupe de touristes trekkers: j'apprendrais le lendemain que leur guide est Abdallah, ex-barman au camping désert-club de l'italien.
Comme je ne l'avais pas reconnu, j'irai lui dire bonjour le lendemain, mais il est sur un départ de randonnée, et nous ne pourrons nous parler; dommage: « bizeness is bizeness ». Il nous avait beaucoup appris sur les appellations locales autrefois.

Lundi 12 février
On traine toute la matinée à nous préparer, et arrive un moment où il faut lever le camp!

François décide de partir par la piste de bir el hadj Brahim, puis celle du Djebil et ensuite Tembaïn et aouidet er Reched en direct. C'est mou, les motos sont bien lourdes, comme d'habitude. François dépanne un gars en mobylette de quelques centilitres d'essence, à dix bornes de Douz.

On déjeune au "café du parc"...déserté par ses tenanciers. L'air est chaud et sec. C'est une de ces nombreuses cahutes qui ont poussé comme des champignons depuis nos premiers passages.

Puis on contourne le Djebil par le nord et l'est, en suivant la longue barrière en construction et déjà abandonnée du "parc national du Djebil". Encore un de ces gouffres à subventions gâchées inutilement. Ce parc était censé abriter pour ré-acclimatation et reproduction des représentants de la faune saharienne régionale, disparue ou en voie d'extinction; certains parcs zoologiques européens ont fait don de couples de gazelles et antilopes telles les célèbres oryx et gazelle blanche. Mais l'enclos n'a jamais été terminé.
Quelques jours plus tard, nous croiserons des traces de gazelles avec Hamet, sans voir les bêtes.
Cette année, nous aurons vu moins de faune qu' auparavant: des fennecs, des gerbilles, des faucons...Il faut dire qu'à quatre on fait plus de bruit, qu'on a plus roulé qu' habituellement, et la présence de nombreux nomades exerce probablement une certaine pression sur la faune.

François nous fait prendre par un plateau rocailleux pour redescendre par la falaise sud-est: nous trouvons une descente en sable qui nous amène dans la plaine, de plus en plus ensablée.
Ensuite, c'est l'entrée dans l'erg, en direction de Tembaïn: nous croisons de curieux petits 4x4 italiens qui se suivent à la queue leu leu ; on dirait des scarabées. Un petit salut et en selle ! François a tendance à tracer un peu vite, et les plantages épisodiques des uns ou des autres font qu'on le perd de vue; pas très bon tout ça, ni pour lui, ni pour nous. Il suffit de s'assommer derrière une dunette cinquante mètres à côté de la trace principale pour ne pas être retrouvé tout de suite par les copains: ce ne sont pas les traces qui manquent ici, et nous ne sommes pas des guerriers sioux ! On règle ce petit problème et on continue à un rythme "pépère".

Dans la plaine de Tembaïn, je perd ma batterie de secours pour l'appareil photo numérique (APN): étourderie lourde de conséquences: deux jours plus tard je serais privé de photos, ce qui est dur à avaler pour moi...autant priver un chien de son os ! Je pique une colère, malvenue avec ces nouveaux camarades... Mes rapports avec les apn étaient faits de méfiance jusqu'à ce que je cède à la mode, maintenant c'est une franche hostilité ! Fort heureusement, Alain y suppléera avec le sien, et nous complèteront le reportage avec pas mal de photos et quelques vidéos sympas (un franchissement de sommet de cordon de dunes, une séquence "au cul" du 4x4...).

On poursuit jusqu'à 17 h 30, et nous plantons le bivouac du soir: jolie plaine au plein soleil de fin du jour, sans vent. François en profite pour tester le téléphone satellite Thuraya ; l'accrochage du satellite est rapide (il faut parfois recommencer la procédure), et on peut même y mettre sa carte "sim", pourvu que l'on ait souscrit le forfait international; la qualité des voix est la même que chez soi !
Etonnement de Didier dans ses notes: «François et Alain font tente séparée !» C'est un début d'explication à leur chargement monstrueux...

Mardi 13 février
Après une première nuit à la belle étoile (sous une bâche, pour le froid et la rosée), nous filons toujours vers le sud et haouidet er Reched. C'est un beau et long parcours, avec une succession de nombreux franchissements et beaucoup d'observation pour passer les cordons de dunes successifs.
Il ne faut penser à rien d'autre qu'avancer et économiser son énergie: surtout ne jamais gamberger, même quand les évènements se mettent en travers. Je sais bien qu'au Sahara ça peut changer très brutalement et la balade sportive se transformer en méchante galère...mais ça n'a jamais été le cas cette année.

Nous arrivons sur haouidet er Reched par l'ouest, le point de vue change des passages précédents. Sur place, nous trouvons un groupe de "trekkers" et des chameliers.

Tout le monde se jette dans la baignoire, la tête sous la douche chaude: c'est très relaxant, trop relaxant...

Sources mortes et sources vives

Mercredi 14 février
Nous avons un mal fou à repartir, d'autant qu'ici, repartir signifie replonger immédiatement dans du franchissement de dunes. François suit un moment les traces des chameaux partis peu avant nous: il aime avoir une piste, même des crottes de chameau qui montent en pleine dune ! Réflexe humain primitif ? Manque de confiance en soi ? « Ok, si tu veux monter, on monte! Mais on va finir par énerver les chameaux...et leurs propriétaires ! » Plus loin, on finit par rejoindre sagement la passe, et les cordons s'enchaînent à nouveau.

Nous rejoignons un homme seul qui marche d'un bon pas. Je lui propose de l'eau: il s'enfile cul sec le demi-litre et jette la bouteille de plastique par terre: « écologie-connaît pas », et pressé le bougre! Il nous montre des grosses crevasses à la plante de ses pieds. Je tente des soins à base d'antiseptique, Madécassol et compresses, mais ça ne tiendra jamais, ni avec ses sandales, ni dans le sable, surtout à la vitesse ou il repart; si j'ai bien compris il en a pour quelques bornes à rejoindre un campement « par là », sans bagages et sans eau (mais lesté des cadeaux d'Alain et François : couteau, lampe, stylos).
Ce garçon a vingt ans, juste l'âge de mon deuxième fils Marc: quelle différence de destin ! Lequel aura été le plus heureux à la fin de sa vie ? Une autre planète vous dis-je ! Avec ces nomades commence le monde des seuls vrais sahariens...

Le soir, bivouac en plein centre d'une grande plaine circulaire, grande comme quatre stades de France! On se prépare une petite bouffe sympa, ça entretient le moral des troupes.

Commentaire de Didier: « T.E.Lawrence assez perso., repas de midi en solo, ne fume pas, mange, rit et parle assez peu (franc-comtois!) aurait mérité d'avoir la foi pour finir ermite » !

Jeudi 15 février
Nous sommes entre haouidet er Reched et bir Aouine, et depuis hier nous explorons une zone que nous avions renoncé à traverser en 2002. Cette fois, nous n'avons pas le choix (Hamet nous attend loin au sud), les motos fonctionnent bien, nos calculs de consommation d'essence sont corrects, nous avons de l'eau et des vivres: aucune raison de ne pas le faire et d'ailleurs, personne ne l'a envisagé !
C'est un paysage de grands massifs dunaires organisés en mailles, comme tout l'erg Oriental en Tunisie: seuls les espaces entre les dunes rétrécissent grossièrement de sud-ouest en nord-est, avec des « murs » sur les faces nord-ouest des massifs.

Ça et là, une plaine souvent parsemée de collines tabulaires interrompt le réseau de dunes. Tout le rebord est de l'erg est ourlé d'un cordon ou la présence du sable s'intensifie (plus haut, moins d'espaces inter-massifs). Mais c'est le sud tunisien qui présente les plus hauts massifs de dunes pyramidales (ghourds), culminant à environ 200 m au dessus du plancher qui les supporte. On trouve par ailleurs de jolis sifs (longues crêtes dunaires aiguës) vers sif es Souane et la frontière algérienne à bir Romane.

Nous passons près d'un camp de nomades, annoncés par l'odeur des chèvres qui flotte dans l'air calme de ce matin.

Nous débouchons dans de vastes plaines allongées, et nous décidons de nous en tenir au tracé repéré sur les cartes satellites, qui impose quelques détours et contours de dunes.

Et puis c'est le dernier cordon et l'apparition de l'immense cirque de bir Aouine. Nous filons hors piste vers la source artésienne du guelb el Hamra, du nom du relief voisin: la montagne (ou la colline) rouge ! Et non pas le "guelb" d'Ahmar comme indiqué par les topographes français sur leurs cartes: nom probablement mal entendu ou mal interprété... Le mot guelb semble d'ailleurs avoir un double sens: un relief isolé ou le cœur.

La résurgence est désormais aménagée en petit bassin semi-circulaire de pierres assemblées au mortier (les militaires?). Un nomade nous rejoint et fait tranquillement sa toilette en chantant, sans dépasser les limites de sa pudeur. Il vient à pieds de el Faouar ou Sabria, tout au nord, et garde des bêtes dans la zone. Encore un qui parle bien français, le bougre. Dommage que nous ne parlions pas juste aussi bien l'arabe... Une fois de plus, il ne faut pas paresser au bord de l'eau: nous avons rendez-vous avec Hamet .
Cette fois on prend les pistes, qui mènent à peu près dans la bonne direction et permettent d'augmenter le rythme; ça suit modérément derrière...On vérifie le tracé au GPS ce qui permet de ne pas louper l'embranchement d'une piste qui mène au sud. A un moment donné il faut bien la quitter pour obliquer vers aïn Zegaba, une résurgence artésienne repérée sur les cartes et photos satellites, au bord de l'erg.

A hauteur des collines de ez Zguiguiba, Alain a des problèmes de liquide de refroidissement; on rempote la cocotte minute! Ce zozo n'avait pas apporté de liquide de refroidissement, je lui donne donc le mien; fort heureusement la japonaise, fidèle à sa réputation, n'en a pas consommé une seule goutte! On dit merci à qui?

Puis c'est l'approche de la source de aïn Zegaba: rien! On repère des têtes de forages et autres constructions de pétroliers: toujours rien, ni eau ni Hamet; tension et moral changent d'un cran en sens inverse! Nos réserves d'essence sont basses, et celles de nourriture et d'eau aussi. Je remonte sur le plateau pour faire coïncider exactement ma position GPS avec le symbole de la source sur la carte. Je finit par trouver une tête de forage mort avec des traces de coulées d'eau anciennes à côté.
C'est à ce moment là que j'aperçoit fugacement, du coin de l'œil, une masse sombre progressant dans les dunes: c'est le 4x4 de Hamet; sous le casque il me confond avec François! Je repars prévenir les copains: nous sommes rassurés de réaliser cette jonction, car on n'avait pas d'autre moyens d'être prévenus par Hamet! D'où l'intérêt d'avoir quelques réserves d'autonomie...et de se méfier des données anciennes: les sources ne sont pas éternelles. Mais l'expérience nous l'a appris, et aussi que nous n'étions pas doués pour trouver les puits!

Nous filons plein ouest pour trouver un joli coin de campement dans le sable; le temps est frais : avec Didier nous passerons à la tente.

Issa, qui débute avec Hamet, nous prépare un délicieux repas et le pain au sable. Un vrai délice dans ces conditions.
J'arrive à capter Isabelle (ma chère et tendre) à la Réunion, grâce au téléphone par satellite Thuraya ! Elle m'annonce le décès de son frère Didier. Il est allé au bout de son cancer avec courage, vivant de derniers bon moments avec ses sœurs: je me sens seul et inutile, c'est un moment très difficile. Grâce à François, j'aurais pu joindre Isabelle tout au long de ce raid.

Commentaires dans le carnet de bord de Didier:
« Bilan "joyeux": bon pilote, bon compagnon, super condition physique (nombreux pélons), pas de pression: gros mental ! bilan "grincheux": pilote moyen, austère, super condition physique, pression de l'organisateur ? quelques doutes. »
Aïe aïe, mais alors qui sont prof, timide, simplet...?!

Vendredi 16 février
Lors d'une réflexion concertée, nous avions décidé d'utiliser une de mes traces extrapolées sur photos-satellites qui permet de rejoindre el Borma directement en coupant à travers l'erg et en passant par deux sources artésiennes.
J'ai découvert un peu plus tard sur le site "sahariens", un article de Jo Calmette sur les sources tunisiennes, où il évoque une partie de ce tracé. Hamet fera le tour par l'est.

Nous partons au matin (levés à 6 heures), par un temps clair et calme, vers les premiers cordons: un fennec déboule sous nos roues et fuit éperdument vers l'ouest. Tout le monde a les directions générales indiquées sur l'écran de son GPS, et pourtant Alain se lance un peu trop au nord, à l'assaut de dunes plutôt plus élevées: nous découvrirons que c'est son péché mignon! Un effet du gros couple de sa katé ? ou alors un réflexe de montagnard ? Didier et moi ne suivons pas, fidèles à notre habitude de préférer les passages les plus bas, et c'est l'occasion d'un petit "clash": il campe sur sa position à 2 ou 300 mètres! François va le chercher: comme il était parti le premier, nous aurions dû le suivre. Soucieux de la cohésion du groupe, on s'excuse, mais c'est râlant de devoir suivre les c... des autres ! Je demande à François de tracer un moment devant, ça calmera les ardeurs ;-)

L'erg est pas mal resserré par ici, et il faut bien choisir sa trace; certaines montées sont un peu juste avec la 250 et il faut biaiser; le sable est par endroits assez mou. Tout le monde gamelle à un moment ou un autre, plus ou moins méchamment. Plus tard, on s'apercevra qu'on a parfois fait une chute à l'écart des autres: Didier s'est pris un pélon par dessus le guidon et ses cervicales ont morflé: pas de gros bobo, ouf!

Quant à moi, dans une montée ratée, je redescends et tente un demi-tour un peu osé en dévers...et je m'en prends une bonne, à manger du sable accroché en drapeau au guidon! Les copains sont déjà passés, et là on se dit qu'il ne faut pas la rater une autre fois.

De temps en temps, il faut descendre un joli "mur" qui rappelle un peu ceux de l'erg Oubari en Libye.

Nous tombons sur un dépotoir de ferrailles de toutes sortes: c'est le lac « el Borma n°2 » décrit par l'ami Jo, un ancien forage pétrolier.

Comme d' hab', de gros dégueulasses ;-) ... Il faut faire attention où l'on roule, mais poutant, de l'autre côté du « lac », il y a de quoi faire un bon bivouac.

Le spectacle de ce geyser en hauteur au ras du talus est étonnant.

On poursuit vers le lac « el Borma n°1 » également décrit par Jo, joli étang dans une cuvette modérément large : un vrai bonheur; nous y déjeunons, le temps d' une petite lessive et d'une douche très agréable. Cela ferait un très joli bivouac dans un cadre très naturel, assez bucolique pour le coin.

Puis c'est la sortie toujours vers le sud et la grande piste est-ouest vers el Borma (à la pancarte "el Makhrouga").

Il y a un nouveau contrôle militaire à l'entrée de la zone pétrolière, où nous attendent Hamet et Issa. Les militaires sont jeunes et sympas, comme souvent. Cette fois accompagnés du Mazda, on repart tranquillement, par la piste au nord-est de l'aérodrome, vers les grandes dunes de la frontière.

C'est un relief très différent, qui rappelle le côté algérien: grands massifs dunaires séparés par de grands espaces, plaines sableuses plus ou moins inclinées ou gassis argileux et roches métamorphiques.
Le 4x4 progresse très prudemment, à la fois lentement et en contournant patiemment tout obstacle où il risquerait de rester coincé : il a très peu de puissance, une garde au sol mesurée (ce n'est qu'un pick-up léger à quatre roues motrices). Mais Hamet sait s'en servir, avec les bonnes vieilles méthodes locales: tout sur le couple, sauf élan absolument nécessaire, démarrage lent et insistant dans le sable mou, prises d'élans à reculons...
Ça et là nous apercevons un squelette de route qui apparaît sous l'erg : il y a donc bien eu une piste « officielle » ici !
Après une jolie descente de sable, nous bivouaquons un peu au sud-ouest de la source dite aïn Aïcha ou Kasskassa (la couscoussière), nom évocateur: quand on y est descendu, impossible de remonter, il faut "sortir" par le nord ! C'est le lac « el Borma n°4 » décrit par Jo. C'est une résurgence artésienne qui fuse bruyamment. La frontière algérienne est au bout du gassi à deux kilomètres. Mais à mon avis, il n'y a pas de douaniers ;-) Séance bricolage (filtres à air pour tout le monde!) et chacun vaque à ses petites occupations: toilette, musique, bavardages, préparation de la nav' du lendemain... Commentaire laconique de Didier: « Terminator n'économise ni sa moto (la KTM chauffe et fuit), ni sa personne. Ça passe! »

Samedi 17 février

La source fume dans la fraîcheur du matin. Le petit déjeuner reste dans les traditions respectives : huile d'olive, pain et miel pour les Tunisiens, café ou thé et tartines au beurre, "vache qui rit" et miel pour les Français.

Dans la matinée, nous touchons une oasis en voie d'extinction; les tamaris souffrent, les roseaux sont morts et il ne reste qu'un filet d'eau: c'est le lac « el Borma n°3 » de Jo. Le temps d'une photo et en piste pour la suite des aventures: nous devons rejoindre la borne frontière n°23 puis le massif de dakhlet Amoud: ça fait une jolie trotte !
Nous approchons de la frontière que j'ai expressément demandé à François (et Hamet) de ne pas franchir. Il n'y a personne, pas un véhicule, pas une silhouette en vue.
Nous nous approchons au ras de bornes en pierre qui semblent coïncider avec la frontière: en un pas, on passe, sans aucun contrôle à l'horizon, de la Tunisie à l'Algérie !

Nous rejoignons en ligne droite Hamet arrêté à la borne 23. La voilà donc cette fameuse borne. Elle mériterait un nom plus poétique, bien que ce ne soit après tout qu'une banale création humaine: un gros cairn au milieu d'une grande plaine, surmonté d'une petite borne en ciment peint en blanc. Pas de quoi fouetter un chat!
En pleine journée, nous déjeunons d'un excellent ragoût à l'œuf mitonné par Hamet en personne, la "edja": un vrai délice! Voilà un des plaisirs des voyages en compagnie d'un guide!

Hamet et Issa nous font un caprice et demandent à emprunter les motos: la XR et la DR passent à la casserole; François n'en mène pas large.
Après un long moment de disparition de notre horizon, en plein territoire algérien, les deux zozos reviennent, tout excités: ils ont rencontré des nomades qui ramassent des terfèz, les truffes du désert.
Ils rigolent parce qu'ils ont été pris pour des roumis (des européens), méprise vite rectifiée quand ils se sont mis à parler arabe !

Ils ramènent quelques truffes, sortes de tubercules mous et blanchâtres. Nous en gouterons au dîner: peu de goût, un peu acidulé.
Après le déjeuner, nous allons leur rendre visite: c'est en Algérie, mais tant pis: je regarde alentour, pas d'autre véhicule qu'une guimbarde hors d'âge. C'est un vieux fourgon Toyota d'après guerre (du Pacifique ?) modèle de collection que je n'avais jamais vu. Ils ont un problème de moteur, et ouvrent le capot; c'est incroyablement ancien et rafistolé, un vrai miracle de débrouillardise. Il y a avec eux deux très jeunes filles qui restent discrètement à l'arrière plan.

Les filles embarquent à l'arrière, les vieux à l'avant, le plus jeune prend le volant, et lance le moteur...qui démarre! Ces nomades vendent leur récolte à el Oued.

Nous repartons dans la plaine le long de la bordure ouest de l'erg puis obliquons à nouveau vers l'intérieur, par de grandes plaines assez herbeuses: c'est la saison favorable au pâturage pour les nomades rebaiia. Hamet nous emmène dans un campement qu'il connaît: c'est assez pauvre, il n'y a pas de ces grandes tentes en peau de chèvre, plutôt des abris faits de bric et de broc avec des chutes diverses, des bouts de plastique.

De loin, nous voyons des gamins fuir à notre approche et abandonner leur troupeau de chèvres: les filles sont les plus farouches !
François et Alain sortent leurs cadeaux pour petits et grands, de l'utile et du futile.

Ce que je ressens dans ces moments là, ce à quoi ma réflexion a abouti est assez difficile à expliquer. Je vais tout de même m'y essayer. Des nomades de ce genre, vivant dans ces conditions là, n'ont pas une perception de la valeur des biens matériels identique à la notre. Nous possédons beaucoup plus de biens qu'eux, plus de connaissances aussi, c'est évident pour nous, probablement moins pour eux. Mais dans les rapports humains, tout cela est mis au second plan, derrière des qualités universelles reconnaissables au premier coup d'œil par n'importe quel humain sur terre: la bonté, la franchise, l'optimisme,la fierté, le sens de l'humour, l'humilité, la générosité...Idem pour les défauts symétriques! Les séances de dons systématiques et sans préambule, ça peut fausser les relation d'emblée, enlever toute valeur à la chose donnée, laisser affleurer chez le donateur des sentiments globalement "paternalistes"... Quand on change sans arrêt de lieu de vie, on est probablement assez détaché des biens matériels: seul l'indispensable compte! Ce qui explique peut-être cette apparente contradiction, leur pauvreté et le peu de soin accordé aux objets. Ils ne demandent rien, finalement, mais si on donne, ils prennent, un point c'est tout, sans fioritures, sans reconnaissance affichée. Je préfère donc donner à l'instinct, si « le courant passe », ou échanger, et n'accomplir des gestes ou ne donner que des objets TRÈS utiles: partager un repas, soigner, donner un couteau, des chaussures, des médicaments... Peut-être mon atavisme culturel familial ? Finalement, ce point de vue est très personnel...
Nous tentons de solutionner humblement quelques problèmes médicaux, mais ne pouvons bien entendu pas faire de soins en profondeur; ils manquent vraiment de tout, notamment de soins dentaires...Une petite fille s'est vilainement brûlé et sa plaie suinte : je n'ai que de l'éosine et de la biafine à proposer. François amadoue deux fillettes plus hardies que les autres, à qui il offre de petits colliers-fantaisie qui les ravissent: elles les montrent aux plus grandes tout aussi intéressées; les filles sont les mêmes partout au monde...
Il faudrait que l'état tunisien délègue de temps en temps une tournée médicale dans ces coins là (même si ce sont des citoyens algériens) : quel terreau fertile pour les activistes du GIA...quelques médicaments, quelques achats de bêtes au prix fort et les voilà les protecteurs du coin: il n'y aurait plus qu'à recruter (c'est ce que révèle un bon connaisseur de la mouvance al Qaïda au Maghreb (ex-GIA) à propos de leurs procédés vis à vis des populations du nord-Mali/sud Algérien). Comme ces traînes-patins ont été vus de temps à autres circuler dans cette zone (hassi Messaoud, Debdeb) et avant l'attaque de Grombalya en décembre-janvier), tout est possible. Et guère rassurant...Je me demande bien ce que le fortin de bir Aouïne fiche là où il est, alors qu'un fort au sud de dakhlet Amoud y serait plus utile...
Dans l'après-midi finissante, nos hôtes poursuivent un petit bouc noir et le confient à Issa qui l'attache dans le Mazda.

Mais un peu plus loin, sur la piste, celui-ci s'arrête; la caisse penche à gauche au ras du sol et le verdict tombe: support de barre de torsion cassé ! Il s'agit d'une petite pièce en tôle de 3 mm d'épaisseur, pas du matériel vraiment conçu pour le tout-terrain...Et Hamet en a une de rechange, mais elle est déjà fendue, pas préparée ni même ressoudée ! Vraiment insouciant le bougre !
Pendant qu' Hamet nous emmène faire du bois, et du gros, genre troncs remorqués par les motos, Issa tue et dépèce le bouc. Il emprunte la pompe à pied de Didier, la fixe dans le prépuce de l'animal et pompe pour décoller la peau ! Il s'agit d'un travail de force, car la peau est très adhérente et résistante: il lui faut une bonne heure pour en venir à bout, découpé en morceaux de boucherie.
Je lui demande s'il a fait le « bismillah »: il sourit. Indispensable pour tout musulman afin de pouvoir consommer la viande ! Aucun couteau n'est assez aiguisé pour mener correctement ce travail: nos deux cigales pourraient en avoir un réservé à cet usage, non ?

Hamet brûle une fusée de détresse que Didier avait apportée au cas où, il est ravi comme un gosse !
Au soir, après avoir obtenu un beau lit de braises, la viande est mise à cuire (c'est un "méchoui" au sens littéral), les abats d'abord, servis aux convives par ordre de préséance. Deux nomades se sont invités et en guise de cadeau de remerciement nous offrent des petites pointes de flèches pré-historiques. Didier les surnomme "Dupont-Dupond" ! J'offre les miennes à François car j'en possède déjà. A la fin du repas nous discutons de leur vie, d'où ils viennent, où ils sont déjà allés en Algérie, etc...Toujours sympathique, d'autant que Hamet traduit: ils ne parlent pas un mot de français et nous presque pas un mot d'arabe.

Pendant les préparatifs, nous avions décidé de renoncer à la traversée vers sif Souane et bir Romane, car Hamet refusait de s'y engager en arguant de différents arguments: « Il ne connaît pas », « Il n'y a pas assez de temps», etc... Je me suis demandé s'il y avait quelque chose à éviter dans cette zone (c'est la zone soit-disant surveillée par radars et hélicoptères décrite par Jo C. et « lou fennec », du forum "sahariens"), et sa traversée est réputée coriace; bref, François ne veut pas y aller, et il faut reconnaître que nous avons déjà prévu un programme copieux ! Nous avons donc décidé de faire un aller et retour le plus loin possible; finalement, cela se réduira à une matinée pour aller y jeter un œil. Nous nous appuierons sur la trace obtenue sur les photos-satellites. Allez, dodo pour tout le monde: Hamet et Issa comme d'habitude sous leurs couvertures, et nous sous le duvet et dans la tente.

Dimanche 18 février
Le lendemain matin, nous filons nord-nord-ouest à travers la plaine de dakhlet Amoud et nous nous engageons donc dans l'erg, habituelle succession de massifs entrecoupés de plaines sableuses. C'est assez physique, et l'humeur n'est pas joueuse ce matin; le temps passe et, mus par le sentiment diffus de « tirer un peu sur la corde », nous faisons demi-tour d'un commun accord. On choisit de rentrer par un itinéraire légèrement différent, les passages se faisant cette fois-ci dans le sens contraire des pentes! Alain en profite pour nous faire une de ces échappées dont il a le secret...mais on se retrouve au bord d'un gassi parfaitement rectangulaire qui ferait un original stade de coupe du monde, pour le classique déjeuner frugal de raid: pain au sable, thon, orange et eau (ou coca quand c'est "fête" !).
Et puis c'est le cheminement de retour par la plaine et les collines tabulaires de dakhlet Amoud.

Nous retrouvons Hamet et Issa qui ont profité de notre absence pour remonter le 4x4 et charger les bagages. « Yalla !» Nous suivons la piste, bien marquée par endroits, qui permet de rejoindre le cirque de bir Aouïne.

Nous rencontrons un père et son fils le long de la piste; c'est l'occasion pour Alain de sortir un jouet "ken de barbie" parachutiste (si, si, il a osé !), dont Didier effectue une magistrale démonstration du haut du toit du 4x4 ! Le minot est ravi et son père encore plus de le voir comme ça...

Le 4x4 emmène un « stoppeur » du désert qui se rend à un mariage. Petit service bien compréhensible dans cet univers.
Après quelques heures, Didier et moi n'en pouvons plus de suivre ce 4x4 qui rame à deux à l'heure. A la sortie de l'erg, nous larguons tout le monde pour tirer hors piste vers le fortin militaire. Nous roulons un bon rythme sur une piste puis dans de l'herbe à chameau: enfin libres ! Le fortin est en vue...et les copains aussi; voilà même le Mazda qui arrive. C'est nettement plus rapide par la piste ! Je soupçonne Hamet d'avoir un peu bourré pour être là: il se marre, bien content de sa blague !
Il n'y a pas de soudeur au poste militaire (nous comptions réparer la pièce cassée du Mazda). Après le contrôle d'usage, nous filons camper au pied de la grande dune de zemlet el Borma, juste à l'ouest.
Les motos déchargées, je lance le pari: le premier à grimper au sommet de la dune avec sa moto: ça grimpe sec, il faut parfois biaiser, c'est mou, mais ça passe: pas question de se laisser passer par Alain, allez, on se dépouille pour reter devant ! Nous nous retrouvons tous tout en haut, tout joyeux.

La vue est magnifique, nous réalisons un vieux rêve avec Didier: y grimper avec les bécanes; finalement, c'était possible !
A l'apéritif du soir nous finissons le dernier fond de pastagua. Demain sera une rude journée, nous avons décidé de tirer tout droit vers Dékanis el Kébir puis el Mida et la traversée vers es Sobat. Il était prévu qu' Hamet vienne avec nous, mais il rejoindra à es Sobat, puisque son support de barre de torsion est fendu et non réparable sur place...behim !

Joyeux et grincheux

Lundi 19 février
Le jour se lève, il fait encore une belle journée claire mais légèrement ventée, ce qui n'augure rien de bon pour la journée! Pendant le rangement de nos affaires, une petite gerbille s'active sur son terrier avec frénésie, à un mètre de ma moto; elle ne paraît pas du tout impressionnée par notre présence ! Petit déjeuner de pain au sable, thé noir et miel. J'ai dû emmener mon propre thé noir car ici on ne connaît que le vert, au contraire de la Libye ou de l'Algérie.
Les troupes sont fatiguées: à neuf heures, nous finissons par décoller. Nous allons chercher l'entrée un peu plus à l'ouest, puis nous progressons assez facilement dans un paysage classique de massifs dunaires peu élevés et de plaines sableuses. Nous avons le relief pour nous, c'est à dire que l'on descend les « murs »! Nous parvenons à une première colline tabulaire, probablement Dékanis es Sghir, puis d'autres dunes et enfin la grande plaine de Dékanis el Kébir .
François recherche des nomades qu'il avait rencontrés quelques mois auparavant: on ne retrouve que leur camp. Il ne semble pas se rendre compte que ces gens sont souvent obligés de bouger, de suivre leurs troupeaux et les pâturages: ici, c'est déjà sec.
Nous grimpons au sommet d'une gara au sud-est de Dékanis el Kébir (celle du milieu) pour déjeuner: pour suivre Alain, je manque me prendre la WRF sur la poire lors d'une reprise d'adhérence sur les roches du sommet; selon ma vieille technique de trialiste "vintage", je jette en avant la bécane qui va se coucher plus haut: ouf ! Didier passe, François reste prudemment en bas. Finalement, les vieux chats restent joueurs! La WRF pisse l'essence par son carburateur, le robinet droit ne ferme plus: c'est la galère ! On bouche la durite droite avec un bout de bois, l'essence passera bien par le haut du réservoir !

Après la séance pain-thon-oranges-eau, on redescend et on rejoint un nomade à pieds (littéralement), puis des enfants, tout timides devant le géant Alain et ses cadeaux: tous les gamins du monde sont beaux.
Un peu plus loin, nous rejoignons un 4x4 arrêté, dont le chauffeur répare une roue: on va le saluer immédiatement et lui demandons s'ils n'ont besoin de rien (on ne sait jamais, une rustine, un outil...). Il nous est déjà arrivé par le passé de dépanner un gros camion ! Ses clients, un homme et une femme que Didier surnomme immédiatement les « bouddhistes », attendent à côté, silencieux; mais quand arrivent Alain et François, ils se mettent à discuter avec eux: oups, on aurait peut-être du les saluer, nous aussi... Le guide nous demande avec qui l'on voyage: on lui explique notre mode de fonctionnement, il connaît Hamet et nous dit que nous sommes des cadors! On ramène nos "exploits" à de justes proportions, et nous repartons.
Nous remontons plein nord par gour el Kleb: visiblement François suit une trace empruntée régulièrement: c'est du sable mou, des dunettes, des trous d'obus. Il ne nous a rien dit de ses intentions aujourd'hui, ou bien nous nous sommes mal compris ? Didier et moi on râle depuis un moment, sachant qu'il y a un meilleur passage par l'est, mais il ne semble pas le connaître, ou ses informateurs ne l'empruntent pas. Je fini par perdre patience et lui demande un peu abruptement « Ho Guillot, qu'est-ce que tu fous ? » J'ai toujours eu un sens de la diplomatie très développé...
La 250 pisse toujours l'essence, ça commence à "me gonfler", je balance des grands coups de botte dans le sabot (en Kevlar ;-) et le cadre, pour décoincer le pointeau. Rien à faire; à bout de solutions, je ferme le robinet d'essence à chaque arrêt !
Nous débouchons enfin sur la plaine intérieure, à el Mida: deux puits, à l'endroit que nous avions découvert avec Martin, Joël et Didier en 2000 (hassi el Guedir sur les cartes françaises). Alain part devant et remonte la piste vers gour el Mida; François ronchonne parce que ce n'est pas forcément la bonne piste, mais ça mène dans la bonne direction! On poursuit sur une espèce de piste à peine tracée qui se perd rapidement dans des vallons et dunettes.
François m'envoie promener sur mes doutes dans la fiabilité de ces pistes intérieures: « Il y en a dans tous les coins qui mènent rarement quelque part et qui finissent par disparaître: à quoi bon suivre ces pistes? » La réponse fuse « Et pourquoi le hors-piste serait-il meilleur? » C'est l'incompréhension entre le cancre et le bon élève! Il ne dit plus rien, trace dans son coin et cherche visiblement une piste (ou suit son idée de départ sur son GPS ?) En tout cas, vu des suiveurs, ça ne paraît pas logique.
On s'arrête pour bricoler, pile à côté d'un groupe, dont je n'avais pas remarqué tout de suite la présence ! Ce sont des guides à chameau, accompagnés de trekkers, qui se la jouent vieux sahariens, silencieux et affectant de nous ignorer (ou simplement fatigués?) François demande aux guides où se trouve la piste pour es Sobat! Qu'est-ce qu'il peut douter ce type! Évidemment, ils nous répondent « Par là! », en indiquant une direction vers l'est, dans les dunes...Il n' avait qu'à regarder l'écran de son GPS et corriger sur le terrain pour progresser...car il n'y a évidemment pas (ou plus ?) de piste marquée.
Bon, nous n'avons pas l'intention de les ennuyer plus longtemps que nécessaire; je passe devant et cette fois-ci ne laisse pas à François le temps de faire la trace: je ne m'arrête quasiment plus et il commence à planter, comme tout le monde quand on suit! Nous continuons jusqu'au cordon final et attaquons la traversée dans la foulée.

Nous débouchons dans le reg-est et apercevons l'oasis d'es Souda.
Nous ne trouvons pas grand monde au campement, une japonaise solitaire et un couple d'autrichiens très sympas qui ont voyagé partout avec leur camping-car. Nous achetons des Cocas à défaut de bière. Hamet et Issa sont là et nous emmènent au pied de l'erg.


Pendant que nous sommes partis à la corvée de bois avec Didier, ils proposent à Alain et François, enthousiastes, d'aller assister à un mariage nomade « pas très loin ». Didier et moi, habitués aux plans foireux, le sommes beaucoup moins ! Commentaire de Didier, un rien pisse-froid: « Embrouille à la tunisienne ». Le jour baisse et la piste de nuit, merci bien ! En vieux sahariens, il y a bien longtemps qu'on évite ces conneries, avec l'éclairage faiblard des motos tout-terrain! Hamet et Issa ne voient qu'une occasion d'aller "faire la noce", notre fatigue, eh bien ils s'en tapent ! Ou bien ils ne réalisent pas que nous sommes des "chibanis", et pas des sur-hommes. Mais bon, on n'ose pas torpiller le plaisir d'Alain et François et on remballe...
L'obscurité croît au fil des kilomètres dans la poussière du Mazda. On le laisse partir pour brancher le phare, enfiler une polaire...Et ça ne manque pas: dans un oued, la piste débouche dans le noir face à une falaise, et je sens la moto qui se cabre. Je coupe les gaz, in-extrémis avant retournement de la moto ! Didier finit par distinguer les traces qui la contournent par l'est. Nous convenons de nous en tenir là et de nous arrêter au bord de la piste: on rejoint Hamet pour le lui dire: il comprend et nous assure qu'on est presqu' arrivés!
Pour ménager tout le monde, je propose à Didier de continuer, et nous mangerons rapidement avant de se coucher bien à l'écart de la noce. Enfin, des lumières apparaissent un peu plus loin. Nous avons roulé une vingtaine de bornes ! C'est probablement une noce dans la tribu rebaiya, arabes de nationalité algérienne, qui nomadisent entre l'algérie et la tunisie. Nous installons le camp, et tant qu'à être venus, je décide d'aller voir ça: Didier part bouder dans sa tente!
Invités, il faut souscrire à la coutume: je remercie l'hôte, le frère du marié, avec un cadeau et des vœux pour les futurs époux. L'autostoppeur de l'autre jour est là: voilà comment Hamet et Issa ont eu l'information !
Un mariage comme celui-là dure plusieurs jours, avec des temps bien précis; pour l'heure ce sont les femmes qui chantent à l'écart; nous mangeons une assiette de couscous à la viande, à côté des hommes qui blaguent et s'apostrophent en arabe; l'obscurité nous permet d'être suffisamment discrets; passé le premier coup d'œil curieux, les invités ignorent notre présence. Ambiance très décontractée.
Hamet emmène un groupe de jeunes hommes chahuteurs dans son 4x4 en face du groupe des femmes; c'est le pendant moderne (et plus "riche") de l'arrivée en chameau d'autrefois. Ils se mettent à danser, sous leur regard; elles sont gardées par un "duègne" la baguette en mains. Mais elles ne perdent pas une miette du spectacle des jeunes hommes qui tracent des pas compliqués seuls ou en petit groupe, s'accroupissant brusquement de temps en temps...Les filles sont très jeunes, 14 à 16 ans tout au plus, mais les gamines ont l'œillade assassine... Unes ou deux, agenouillées, se mettent à bouger la tête, cheveux dénoués: c'est la fameuse « danse des cheveux » bien connue des nomades rebaiia, parfois pratiquée jusqu'au Maroc ou au moyen-orient.
Nous croisons des guides avec leurs touristes, assez âgés dans l'ensemble. Un des jeunes guides, berbère natif de Tataouine, m'avoue en rigolant qu'il est comme nous: c'est la première fois qu'il assiste à un mariage nomade rebaiia !
Plus tard les femmes danseront, mais jamais avec les hommes; Alain et moi, fatigués, allons nous coucher, après avoir perdu notre chemin dans l'obscurité: marcher en chaussettes ne facilite pas les choses ! Pendant ce temps, François, bombardé photographe officiel, est réquisitionné pour tirer le portrait des mariés! Il nous montre discrètement les photos le lendemain: elle est très jolie, très jeune, d'un pur type arabe ou yéménite...ce qui n'est pas étonnant pour ces descendants de tribus hillaliennes !

Mardi 20 février
Au déjeuner, il y a des « squatters » qui confondent sans vergogne l'invitation au mariage et l'invitation chez les motards; il faut dire qu' Hamet "déconne": il tient table ouverte et se taille sa petite réputation à nos frais! Quand il a tout remballé, un des guides d'hier soir, un gros lard fainéant qui n'a pas pu se lever ce matin, exige sa part de déjeuner; Issa s'exécute ! Si ça amuse François, après tout...à verser au débit lors des comptes finaux ! Mais c'est assez typique des comportements locaux.
Nous remballons et regagnons la piste pour se retrouver à ksar Rhilane.

La palmeraie est calme ce matin, les "tours-operators" ne sont pas encore arrivés; nous en profitons pour boire une bière et nous baigner (Didier boude toujours ?). Le repas est servi chez un copain de Hamet, au bord de la vasque, et nous commandons à boire. L'après midi, la majorité penche pour une traversée directe ksar Rhilane-Douz (François reste coi): c'est le dessert, une sorte de baroud d'honneur, et puis le sable, « même plus peur ! »

Après le fort romain, l'ancienne piste part ouest-nord-ouest et se perd dans les dunes. Alors, les choses se corsent, et c'est un festival de franchissement de marches, d'entonnoirs, de dévers, de passages étroits; on se relaie en tête au gré des plantages, Alain en particulier se régale. A un moment, je le retrouve planté dans un trou, comme chacun son tour. François commence à trainer en arrière: le triathlonnien est fatigué! Le profil des dunes a tendance à nous envoyer vers l'ouest, il faut corriger de temps en temps. C'est ce moment-là que choisissent Windows et OziExplorer pour planter: comme il faut s'arrêter et faire un "reset", je préfère le couper et suivre les copains (il y a assez de GPS en marche!). Nous ne marquons presque plus de pauses et le rythme est nettement plus élevé qu'au début du raid.
On atteint la station cameline de bir el hadj Brahim: malgré notre rythme, nous avons mis un temps fou pour arriver jusque là!? Ce parcours direct est assez difficile, à ne pas mettre entre toutes les mains, ou alors il faut avoir tout son temps.
Nous repartons sur la grande piste vers Douz : passage devant le fortin-fantaisie, le café du désert et puis la piste toute droite....Alain et Didier accélèrent le rythme, mais moi aussi je veux jouer! Je recolle Alain et le passe gaz en grand: p... ce 250 WRF souffle fort quand il veux ! On se marre, tout excités du run. Vexé de s'être fait taper par une 250, Alain repart au taquet: impossible de le repasser, il y a une fine poussière blanche et le soleil en face, la moto bouge énormément dans les grosses saignées que je ne vois pas arriver, bon, on relâche un peu la pression...

Au carrefour de Mhalhel, on attends un bon moment François, qui arrive tranquillement: ouh là il fait la gueule ! Plus tard, je réaliserais qu'il a mal au poignet: est-ce qu'il est tombé ? Il ne dit rien, comme d'hab'... Nous retrouvons Abdou à l'hôtel; le temps de s'installer et le 4x4, qui a fait le tour par bir Soltane, arrive. Didier finit par lâcher à Hamet et Issa sa pompe à air et sa frontale à LEDs (qu'ils avaient déjà quasiment réquisitionnées !)

Nous opérons la transformation inverse: c'est le retour à l'état de citadin propre! Nous testons ce soir un restaurant reconnu par François et Alain lors de leur précédent séjour. Un jeune excité y officie, grande gueule et humour à sens unique comme il s'en développe dans le milieu du tourisme de masse, mais pas méchant. La bouffe est correcte et la salle sympa.
François, complètement silencieux, se fait remarquer par le serveur qui le charrie. Au bout d'un moment, je lui demande ce qui ne va pas: problème de cohabitation ? Voyage ne correspondant pas à ses attentes? Quelque chose à reprocher? Nous n'en tirerons rien, ni à ce moment, ni plus tard! Commentaire de Didier: « imbuvable, gros problèmes psy ! »

Mercredi 21 février
Le lendemain matin, nous retirons les motos du chenil pour les charger sur la remorque; François prépare la sienne pour aller à Kebili (développement de photos, courses pour les nomades). Sa bécane fume copieusement au démarrage, puis ça se tasse en chauffant (l'huile brûle mieux !). Voix "off" de Didier: « XR fatiguée, pilote aussi ». Il reste une semaine de plus et redescend retrouver le campement de la noce vers Lisseri.
On finit par décoller, avec une petite halte traditionnelle pour récolter du « sable du désert » pour Mathieu et Rémi, les minots de Didier, puis c'est l'interminable route de remontée vers le Sahel et Tunis.

Une petite halte-déjeuner poissons et fruits de mer au port de Gabès nous requinque pour la suite du voyage.

A Kairouan, ville ultra-touristique, mais aussi religieuse, nous nous laissons tenter par des tissages en soie écrue et des pâtisseries orientales: toujours agréable de ramener quelque chose d'ici.

Épilogue et méditations

« Débriefing »

Non, nous ne sommes pas restés dans un creux de dune à nous dessécher: tout le monde est rentré globalement en bonne santé (c'était mon premier objectif moral, même si je ne suis pas l'organisateur), et toutes les machines également, même la petite 250 WRF ! François nous enverra une semaine plus tard un mail laconique: « Bien rentré ». Nous sommes rassurés, mais il n'y aura aucune suite à notre aventure; dommage.
Comme d'habitude, impossible de se rendre vraiment compte pendant le voyage de l'intensité des moments que l'on vit: on est absorbé par les petites tâches de tous les instants, les minuscules soucis matériels ou humains, ou encore partis en rêveries inefficaces...mais tellement reposantes ! C'est au retour, peu à peu, que l'on mesure la densité de ce voyage.
Une visite chez Alain permetra de se remémorer tous ces bons moments, avec promesses échangées de refaire quelque chose ensemble.

Le raid mixte motos - 4x4

Nouveauté logistique de l'année 2007, et en flagrante contradiction avec mon credo habituel, nous avions loué les services d'un "guide" et de son aide en 4x4, avec essence eau et nourriture pour notre seul usage. Nous l'avons rejoint à un point de rendez-vous au bout de 3 jours d'autonomie: il était là et à l'heure, c'est assez rare pour devoir le souligner ! Son 4x4 était un pick-up Mazda modérément adapté au TT difficile, mais dont apparemment il savait se servir au mieux, comme nous l'avons constaté en progressant le long de la frontière algérienne et par les grandes plaines intérieures (dakhlet Amoud).
Ahmed et son aide Issa se sont révélés adaptables aux bizarres demandes de ces drôles de clients que sont les motards raiders, et toujours de bonne humeur. Le mode de fonctionnement qui s'est naturellement imposé (d'autant que le Mazda avait un support de barre de torsion avant fendu !): retrouver l'équipe du 4x4 le soir à l'étape après des boucles difficiles, Ahmed se rendant au point de rendez-vous par la piste, présent en temps et en heure.
Ça exige un peu de précautions pour les motards (eau, nourriture, pharmacie, quelques pièces et outils et suffisamment d'essence en cas de panne, et une nuit à passer seuls...) : je me félicite d'avoir obtenu une préparation « grand raid » des motos (nous aurions été frustrés de devoir suivre par des pistes à camion un 4x4 "émasculé"...); d'ailleurs, nous étions tellement accoutumés à l'équipement « grand raid » qu'on ne vidait même plus complètement les sacoches latérales quand on roulait de conserve avec le 4x4. Il y a également un intérêt à disposer d'une liaison satellite Thuraya pour joindre le 4x4 en cas de problème des motards, et vice versa: évidemment, cela suppose que le 4x4 en soit aussi équipé, ce qui n'était pas le cas (mais nous avons pu le joindre à Douz avant son départ pour régler un problème d'intendance).

Le choix des motos ? il n'y a pas eu de choix !

Quatre motos différentes: une 400XR bien usée, une 350DRS « troisième âge », et nos motos d'enduro : 640 KTM et 250 Yamaha WRF, toutes préparées avec des réservoirs de plus ou moins grande capacité, un porte-bagage pour Alain et François et des sacoches pour tout le monde. Ajoutons quelques pièces, filtres, les outils habituels et basta : ne partions-nous pas pour un raid essentiellement avec 4x4 ?!
Pour répondre à la question d' Éric sur la "mailing list" « liste raid », la « petite » 250 WRF a bien tenu le choc: juste un poil de manque de couple par rapport aux + gros monos (640 KTM, 400 XR, 350 DRSE): il faut compenser par la puissance et ne pas hésiter à monter en régime. En prime, ça amuse les copains qui trouvent que tu mets du gros gaz !
La comparaison avec le 640 katé dans les longues grimpettes molles (franchissement des murs à « contre-sens ») parle d'elle même: il me manquait souvent quelques mètres. Sinon, bonnes surprises, la consommation s'est avérée inférieure aux autres machines, même la 350 DR, le filtre à air ne s'encrasse pas trop (changé tout les deux jours), le niveau d'eau n'a pas bougé d'un iota (la katé préparait l'expresso à chaque cordon de dunes ;-) et celui d'huile non plus.

"APN et PDA"

(appareils photos numériques et Personal Digital Assistant (assistant numérique personnel): il désigne de très petits micro-ordinateurs de poche)

Ces technologies sont trop dépendantes de l'énergie, parfois manquante aux moments critiques.
Mais que dire du GPS souris connecté à un PC de poche (PDA) ? Ce que j'en ai dit aux copains de la liste raid !

« Le système PDA + GPS souris "Blue Tooth", dont je doutais un peu des chances de survie dans ce milieu hostile (sable + grosses vibrations sur 700 bornes !) a montré une certaine robustesse: pas une seule panne en 8 jours, pas une seule micro-coupure, seulement un plantage de Windows à la fin du raid (ce qui arrive si on ne met pas en route dans l'ordre voulu le GPS, le PDA et OziExplorer !), pourvu que les connexions soient soignées et sécurisées.
Le choix de la visu' (cartes ou photos-satellites), celui de l'échelle (200m ou 2 km par ex.), du mode de navigation (suivi d'une vraie route ou simple "track" comme repère) sont super agréables.
Et en prime le soir, possibilité de s'écouter du "mp3", visualiser les photos et séquences vidéos du jour (PDA HP1940 et Pentax Optio WP20 partagent le standard "SD-card"): je n'ai pas eu le temps de tester ces gadgets (trop occupé, pas la tête à ça, fatigué, gagné par le silence et la paix alentour, je ne sais pas, moi...).
Seul François, avec son Garmin et sa carto vectorielle-maison pouvait rivaliser en informativité; mais c'est quand même moins précis qu'une carte 200 ou une photo sat', par contre à priori plus robuste et moins consommateur d'énergie.
Le PDA est resté connecté en permanence à son alim' "USB" branchée au 12V de la batterie de la moto, la souris-GPS était rechargée tous les soirs sur la batterie via sa propre prise "USB" : je n'ai pas osé utiliser une seule prise "USB" commune aux deux appareils (légère différence de voltage et nature des broches (+) et (-) pas vérifiée).
Reste que jouer du stylet, faire un "reset" de Windows ou téléphoner avec un mobile par satellite en plein erg, il faut aimer la sophistication, non ?!

La piste saharienne

Ah la notion de piste en milieu saharien ! Vaste sujet: c'est quoi une piste ? Avec François nous n'en n'avons visiblement pas la même notion, on l'a vu dans ce récit !

Quelques exemples:
Pour aller du Djebil à Tembain, c'est une vague trace épisodique qui en tient lieu. Il n'y a pas de piste, visible en continu. Elle n'a pas été tracée à un moment donné, ou alors il y a (très) longtemps : il n'en reste qu'une trace discontinue, maintenue par le passage des utilisateurs à cet endroit là (soit par mimétisme, soit « en souvenir » de son tracé ancien). Il faut être honnête: si ce tracé est conservé, c'est peut-être aussi parce qu'il était le meilleur pour franchir cet espace-là.
Mais ça n'est pas toujours le cas, et l'on voit des « aberrations », où l'on passe encore à un endroit pourri par habitude alors qu'un autre tracé plus confortable aurait pu tout aussi bien faire l'affaire: je pense à la remontée du Dékanis el Kébir vers el Mida et ras el Oussif; si on suit scrupuleusement les traces, on passe par l'erg, avec une succession de franchissements casses-pattes interminable, alors que par les plaines de l'est, c'est plus long mais ça passe mieux. Cela dit, c'est un point de vue de motard, les cailloux ne nous gênent pas plus que le sable !
Pour aller à haouidet er Reched le meilleur passage se fait le long de la frange ouest de Dékanis el Kébir: c'est là qu'il y a le moins de cordons à franchir: j'ai entendu, un peu abasourdi, un petit nomade me parler de ce passage comme « la piste qu'empruntent les 4x4 ». Alors dans ces conditions, ça va: il faut juste s'entendre sur le terme de piste dans la bouche des locaux ! Ici c'est l'exemple d'un passage trouvé par un « ouvreur » de piste comme il en existe en Tunisie (j'en connaît un) ou par un guide très expérimenté (et respecté de tous): il est passé, a indiqué la trace aux suivants et c'est comme ça qu'on obtient un vague tracé dans le sable, plus ou moins effacé par le vent, la pluie...jusqu'au passage des suivants !
Autre exemple, la "piste" reliant "bir el Mida" (?) à aïn Sbat dans la grande plaine de l'est: il y a bien une piste tracée dans la plaine centrale, partant des garas vers l'est, mais elle aboutit et se perd rapidement dans les premières dunettes annonçant l'erg et son grand cordon nord-sud qu'il faut traverser à vue. De l'autre côté, on voit effectivement ré-apparaitre la piste toute droite qui mène à l'oasis. Nous avons débouché quelques hectomètres au sud ! J'ai l'impression que François, une fois de plus, a essayé de suivre sa trace de place en place, visible sur le plancher des dunes, mais à quoi bon? Est-ce meilleur qu'à côté ? Moins bon ? En moto, ça se fait à l'œil ! Quant à la suivre pour être sûr de retrouver la piste à « la sortie »: c'est un choix (mais il faut se mettre d'accord AVANT le départ !).

Mais fondamentalement, et ce voyage me l'a prouvé un peu plus, il n'y a pas d'erg que l'on ne puisse traverser pratiquement où l'on veut, même avec une moto de raid chargée, malgré son poids et son centre de gravité déséquilibré vers l'arrière !

Au final, il y a des facteurs annexes qui guident le choix d'une tactique de progression :
-on est en autonomie totale, très engagé: il faut économiser les motos, les pilotes, et l'essence;
-il y a des éléments faibles dans le groupe (et pas forcément les mêmes tous les jours !): inutile d'aller chercher les ennuis médicaux. On choisit alors le parcours le plus doux, c'est à dire qu'on tente de relier les gassis se succédant le plus en ligne droite possible, ou avec le moins de murs à franchir, et ce par les passages les plus bas possibles (on ne grimpe pas comme un jeune chien fou le long des murs et sur les ghourds, n'est-ce pas Alain ?! À ce petit "jeu de cons", on se retrouve au mieux tous en haut pour rien (à part la vue !), au pire plantés, voire blessés, les uns et les autres à droite et à gauche, et rapidement exténués, les radiateurs en ébullition et l'essence qui descend vite !).
-on est suivi, de plus ou moins près, par un 4x4, on peut alors se permettre de tirer plus direct, quitte à contourner tel sif infranchissable ou tel sommet vraiment haut: à décider selon la fatigue générale et l'humeur du moment !
-on est dans un raid mixte 4x4 et motos, à côté du camp de base: tout est permis hormis se blesser, car MÊME avec un raid organisé, il n'y a pas de structure médicale capable de vous sortir d'un vrai coup dur (même s'il y a un médecin !)

Didier et moi avons développé au cours du temps, surtout en milieu sableux, une propension à tracer hors pistes, quitte à rater des passages plus faciles. On a plus fait confiance aux cartes et aux photos satellites qu'aux pistes indiquées par des prédécesseurs humains...de toutes façons difficiles, ou trop longues, à trouver.

Le hors piste dans le désert est-il critiquable?


FIN


Glossaire

Bon, un petit glossaire n'est pas inutile... J'y ai mis ce que je savais, et quelques termes retrouvés ça et là...